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samedi 24 février 2018

Le Sinn Fein fait le pari de la réunification de l'Irlande


24 février 2018

Le Sinn Fein fait le pari de la réunification de l'Irlande

Mary Lou McDonald, nouvelle présidente du parti républicain, prône un référendum sur la question pour pallier les conséquences du Brexit

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LE CONTEXTE
" direct rule "
Treize mois après la chute du gouvernement régional d'Irlande du Nord, où les unionistes du DUP et les nationalistes du Sinn Fein siègent conjointement en vertu de l'accord de paix de 1998, l'impasse est totale. Officiellement, les pourparlers achoppent sur le statut de la langue gaélique, mais les positions antagonistes des deux partenaires sur le Brexit nourrissent aussi le conflit. Après un quatrième round de négociations déclaré infructueux, jeudi 15  février, la menace plane d'un retour à l'administration directe (direct rule) par Londres.
Tabou du débat politique britannique, la question de la réunification de l'Irlande, conséquence possible du Brexit, est désormais ouvertement posée. Le Sinn Fein, seul parti politique présent à la fois en République d'Irlande et en Irlande du Nord (rattachée au Royaume-Uni) et dont l'unité de l'île est la revendication suprême, entend en profiter. Pour sa nouvelle présidente, Mary Lou McDonald, la décision des Britanniques de quitter l'UE offre " une occasion pour réunifier territorialement le pays, mais aussi pour refaçonner une Irlande moderne démocratique ".
Invitée jeudi 22  février à Londres de l'Association de la presse étrangère, la dirigeante républicaine " envisage un référendum sur la réunification au cours de la prochaine décennie ". " Nous serons de la génération qui va mettre cette question aux voix pour parvenir à une conclusion démocratique ", affirme Mme McDonald, âgée de 48 ans.
Le Sinn Fein n'est pas seul à considérer que la décision de Theresa May de sortir du marché unique européen et de l'Union douanière conduit à recréer la frontière entre les deux parties de l'île et menace l'accord de paix de 1998 qui l'avait fait disparaître. Leo Varadkar, premier ministre de la République d'Irlande, et Michel Barnier, négociateur en chef de l'UE sur le Brexit, partagent cette inquiétude.
" Menace immédiate "La question irlandaise, parce qu'elle concentre les exigences contradictoires de Londres – la sortie du marché unique et l'absence de frontière en Irlande –, se présente déjà comme la plus inextricable du Brexit. Les récents propos d'élus conservateurs europhobes selon lesquels l'accord de paix – dont on s'apprête à commémorer les vingt ans – serait dépassé, tendant ainsi à privilégier le Brexit par rapport à la situation en Irlande, ne facilitent pas la tâche de Mme May. De fait, le retour à une frontière physique entraverait les échanges économiques, compliquerait la vie quotidienne, et les postes-frontières pourraient servir de cible aux groupuscules paramilitaires.
Mme McDonald l'exprime en termes plus crus : " Le Brexit et l'accord du Vendredi Saint- qui a scellé la paix en  1998 - sont incompatibles. " Pour elle, le Brexit " constitue une menace claire et immédiate pour le fonctionnement économique, social et politique de l'Irlande dans son ensemble ", car, articule-t-elle avec solennité, " il ne peut y avoir de frontière sur l'île d'Irlande ". Face à la " menace " du retour de la frontière, la réunification est, selon elle, " une option tout à fait évidente sur la table ".
Selon l'accord de 1998, un référendum sur la réunification – englobant le Nord et le Sud – ne peut être décidé que par le secrétaire d'Etat britannique à l'Irlande du Nord. La nouvelle chef du Sinn Fein, qui a été reçue par Theresa May pour la première fois mercredi 21  février, affirme l'avoir consulté sur les circonstances qui déclencheraient une telle décision. Il n'en est pas question dans l'immédiat, car les sondages en Irlande du Nord sont hostiles à la réunification.
Et Mme McDonald reconnaît que tout cela prendra du temps. " Nous envisageons un processus capable de réunir un consensus maximum, qui soit respectueux des différences. Nous devons débattre avec tous les citoyens avec une attention particulière envers ceux qui sont unionistes - partisans du maintien dans le Royaume-Uni - et britanniques. "
Considéré comme la branche politique de l'Armée républicaine irlandaise, clandestine jusqu'en  1998, longtemps hostile à l'Union européenne, le Sinn Fein se veut désormais le champion de l'opposition au Brexit. Non seulement en République d'Irlande, où l'adhésion à l'UE est très forte, mais parmi les Nord-Irlandais, qui ont voté à 56  % pour y rester.
Cette stratégie n'est sans doute pas absente de la décision du Sinn Fein, en janvier  2017, de se retirer du gouvernement régional de Belfast qu'il coadministre avec l'ultraconservateur Parti démocratique unioniste (DUP) en vertu de l'accord de paix. Ce départ a entraîné la chute de l'exécutif régional. Treize mois de négociations n'ont pas permis de le rétablir. Les Nord-Irlandais sont, de ce fait, privés de voix dans le débat sur le Brexit.
Mary Lou McDonald assure que son parti " croit " dans le gouvernement régional et accuse Theresa May de n'avoir " aucun plan " pour sortir de l'interminable impasse à Belfast. Depuis qu'aux élections de juin  2017 elle a perdu la majorité à Westminster, la première ministre a besoin des voix des dix députés du DUP. Le pacte électoral qu'elle a signé avec les unionistes l'empêche d'être considérée comme un arbitre impartial pour vider la querelle irlandaise.
Philippe Bernard
© Le Monde

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