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vendredi 19 janvier 2018

La Chine prouve sa capacité à piloter son économie


19 janvier 2018

La Chine prouve sa capacité à piloter son économie

En 2017, annoncée comme l'année de tous les dangers pour Pékin, la croissance chinoise a accéléré, à 6,9 %

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La Chine marche à l'unisson du mouvement de reprise planétaire. En  2017, la deuxième puissance économique mondiale a vu son produit intérieur brut (PIB) progresser de 6,9  %, selon les chiffres officiels publiés jeudi 18  janvier. Après 6,7  % en  2016, l'activité a -accéléré pour la première fois depuis sept ans. Et dépasse largement l'objectif officiel d'" environ 6,5  % " que s'était fixé Pékin.
Certains analystes suggèrent que l'embellie pourrait même avoir été encore plus prononcée, tant la fiabilité des statistiques chinoises reste sujette à caution. Des provinces ont admis, ces dernières semaines, avoir falsifié certaines données et devoir réviser à la baisse leur PIB pour 2016…
Quoi qu'il en soit, le géant asiatique a prouvé sa résilience, porté par des dépenses effrénées dans les infrastructures, des investissements dans l'immobilier, une consommation solide et la dynamique du commerce international. De multiples aléas assombrissaient pourtant les perspectives à l'orée de 2017 : fuites de capitaux, dégringolade du yuan (la monnaie chinoise), emballement de la dette, craintes d'un dégonflement brutal de la bulle immobilière…
" Croissance de haute qualité "" Le changement du sentiment vis-à-vis de l'économie chinoise a été stupéfiant ", note Louis Kuijs, du cabinet d'analyses Oxford Eco-nomics. " Les autorités chinoises ont démontré leur capacité à piloter l'économie, ajoute Sopanha Sa, économiste à la Société générale, et à contrôler les risques dans une certaine mesure. "
Mais ceux-là n'ont pas tous disparu. Et la ligne suivie par le pouvoir chinois s'infléchit peu à peu : le président chinois Xi Jinping dit désormais viser une " croissance de haute qualité ". Autrement dit, un peu plus faible sans doute, mais aussi plus saine, avec une meilleure maîtrise des risques, notamment financiers. Un exercice périlleux tant l'économie est dopée au crédit. Au total (hors -secteur financier), la dette chinoise dépasse déjà 260  % du PIB, contre 150  % fin 2006. Elle pourrait frôler les 300  % dès 2022, alertait, en août, le Fonds monétaire international (FMI).
" Non seulement l'endettement des entreprises est trop élevé, mais celui des ménages augmente aussi très rapidement, même s'il part d'une base faible, relève Alicia Garcia-Herrero, économiste chez Natixis. Mais les autorités chinoises ne peuvent se permettre de geler d'un coup le crédit, car cela aurait un impact très négatif sur la croissance. "
Ces derniers mois, de premières mesures ont été prises pour renforcer le contrôle des risques. En pleine fièvre immobilière, le gouvernement a durci les conditions d'achat et d'octroi de prêts. Sur un autre front, le ministère des finances a ordonné, en novembre, un audit de tous les projets d'investissements en partenariat public-privé, pour s'assurer de leur solvabilité. Certains chantiers ont été stoppés, notamment la construction de lignes de métro dans plusieurs grandes villes de Mongolie intérieure (Nord), comme l'ont rapporté des médias chinois.
Pékin s'est aussi attaqué à la finance de l'ombre (" shadow banking "), pour tenter de mieux encadrer l'explosion de produits d'investissement opaques. De nouvelles restrictions ont également visé l'activité florissante de micro-prêts en ligne. Ce durcissement de l'arsenal réglementaire devrait se poursuivre, à en croire le chef de la Commission de -régulation bancaire chinoise, Guo Shuqing. Dans une interview auQuotidien du peuple, mercredi, celui-ci alertait contre des risques financiers toujours " complexes et préoccupants ", s'interdisant de relâcher les efforts dans ce domaine.
En décembre, le FMI s'inquiétait aussi de banques chinoises jugées mal armées pour faire face à des " tensions " persistantes. L'organisation de Washington ciblait, notamment, les fragilités créées par les " sociétés zombies ", ces entreprises étatiques non rentables et ne survivant qu'à crédit. Le FMI préconisait de renforcer les ressources des établissements financiers pour leur permettre de digérer d'éventuelles perturbations.
Coup de frein attendu en  2018Pékin assure avoir pris la mesure des défis et vouloir accélérer les réformes structurelles. L'enjeu est de poursuivre le rééquilibrage de l'économie vers les services, l'innovation et la technologie, au détriment de la vieille industrie et des exportations à faible valeur ajoutée. Ce développement plus " qualitatif " passe aussi par une lutte accrue contre la pollution. Pékin a donné un coup de collier ces derniers mois et accéléré les fermetures d'usines ne respectant pas certaines normes environnementales.
Cette campagne n'a pas vraiment pénalisé la production industrielle et la croissance a bien résisté au quatrième trimestre (+6,8  %). Les spécialistes de la Chine s'attendent néanmoins à un coup de frein en  2018. La bataille pour la qualité de l'air n'est pas seule en jeu. S'il est bien poursuivi, le resserrement du crédit ne pourra rester sans effet sur l'activité. Une certaine morosité s'est déjà emparée du secteur de la construction et de l'immobilier, un pilier de la croissance chinoise.
" Le ralentissement ne sera pas trop aigu ", nuance Mme Garcia-Herrero, qui s'attend à une progression du PIB de 6,5  % en  2018. Pour l'économiste, cette décélération " ne fait que confirmer la tendance : celle d'une croissance structurellement plus basse en Chine ". Une évolution qui sera suivie de près dans le reste du monde, le pays représentant toujours à lui seul près d'un tiers de la croissance planétaire.
Marie de Vergès
© Le Monde

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