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mercredi 31 janvier 2018

En Colombie, la campagne électorale commence, mais la paix trébuche

31 janvier 2018

En Colombie, la campagne électorale commence, mais la paix trébuche

Bogota suspend les négociations avec la guérilla de l'ELN après des attentats meurtriers

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La paix avance, la violence perdure. Samedi 27  janvier, à Bogota, la Force alternative révolutionnaire de Colombie (FARC, extrême gauche), le parti issu de l'accord de paix avec la guérilla démobilisée, lance sa campagne électorale. L'ancien chef guérillero Rodrigo Londoño, 59 ans dont trente de maquis, prononce son premier discours en tant que candidat présidentiel.
Après cinquante-trois ans de conflit armé, l'événement est historique. Mais il a été obscurci par les trois attentats à l'explosif contre des postes de police, dans le nord du pays. Au total, sept policiers ont trouvé la mort au cours du week-end, des dizaines d'autres ont été blessés. Dimanche, la guérilla de l'ELN (Armée de libération nationale, castriste) a revendiqué le plus meurtrier des attentats, celui qui, la veille, avait causé la mort de cinq agents dans la ville de Barranquilla.
Lundi, le président, Juan Manuel Santos (centre droit), a suspendu les négociations de paix avec l'ELN. Les pourparlers qui se tiennent à Quito (Equateur), depuis bientôt un an, avaient permis la conclusion en octobre  2017 d'un cessez-le-feu " bilatéral et provisoire ". Cette trêve avait pris fin le 9  janvier.
C'est un détachement local de l'ELN, " le front de guerre urbain ", qui a revendiqué l'attentat de Barranquilla, en le qualifiant d'" exercice légitime au droit à la rébellion ". La direction de l'organisation, elle, ne s'est pas prononcée. Mais, en rappelant que " la patience du peuple colombien a des limites ", le président Santos a décidé de suspendre l'ouverture du cinquième cycle de négociations, prévue pour le 31  janvier. " Je ne vois pas de cohérence de la part de l'ELN entre ses paroles et ses actes ", a expliqué le chef de l'Etat.
Attaque condamnée par la FARCTrès critique du processus de paix, l'opposition de droite reproche au président de ne pas avoir définitivement rompu les négociations. Alors que la campagne électorale pour les législatives de mars et la présidentielle de mai bat son plein, les attentats servent évidemment la cause du camp militariste.
C'était l'heure de la relève quand la première bombe a explosé, samedi à l'aube. Une cinquantaine d'agents étaient en rang, devant le bâtiment du poste de police de San José, à Barranquilla. La vidéo des corps déchiquetés a circulé sur les réseaux sociaux. Un homme de 31 ans a été immédiatement arrêté. Tous les candidats à l'élection présidentielle ont énergiquement condamné l'attentat.
La FARC aussi s'est prononcée. " Nous rejetons catégoriquement l'attaque perpétrée contre le commissariat de police à Barranquilla, dit le texte du nouveau parti publié sur les réseaux sociaux. Et nous apportons notre soutien chaleureux aux proches des policiers défunts et aux habitants touchés. " C'est dire le chemin parcouru par une guérilla qui a souvent pris pour cible les postes de police.
" Timo président ", scandaient les militants de la FARC venus soutenir leur candidat à Ciudad Bolivar. Rodrigo Londoño reste connu sous son nom de guerre de Timochenko, dit Timo. Entouré de plusieurs candidats aux législatives, il a promis " une nouvelle façon de faire de la politique ". Le nouveau parti s'est fixé pour objectif de " faire entendre la voix de ceux qu'on n'entend pas " et pour stratégie " de faire voter ceux qui ne votent pas ". L'abstention est historiquement élevée en Colombie et la FARC table sur ce réservoir d'électeurs. Mais la tâche s'annonce ardue. Aucun parti politique n'a voulu faire alliance avec les anciens guérilleros et la candidature de " Timo " est créditée de moins de 3  % des voix. Sa sécurité et celle des autres candidats sont loin d'être garanties. Trente-sept ex-guérilleros ont déjà été assassinés.
Un attentat a également eu lieu en Equateur samedi. L'explosion a fait 28 blessés légers – policiers et civils – et détruit une caserne de la ville de San Lorenzo, près de la frontière colombienne. En décrétant l'état d'urgence dans la région, le président équatorien, Lenin Moreno, a attribué ce " premier attentat dans l'histoire du pays "aux narcotrafiquants. Mais, lundi soir, le procureur colombien Nestor Humberto Martinez accusait " Guacho ", un dissident des FARC impliqué dans le trafic de drogue. Les dissidents sont les guérilleros qui n'ont pas quitté le maquis ou qui l'ont déjà rejoint. Guacho aurait sous ses ordres plus de 150 combattants.
Marie Delcas
© Le Monde

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