Un rapport contre Macron
On peut dire beaucoup de mal de ce vieux continent poussif, nostalgique, déprimé à bien des égards. On peut dire beaucoup de mal de cette Union brinquebalante qui va de compromis boiteux en arrangements obscurs, empêtrée dans l’écheveau des égoïsmes nationaux et déstabilisée par le vent libéral qui souffle en tempête depuis des décennies.
Pourtant, l’impressionnant rapport élaboré par Thomas Piketty et ses amis économistes corrige quelque peu ce sombre tableau. Au bout du compte, l’Europe qui a maintenu vaille que vaille un Etat-providence en état de marche, qui a conservé des taux d’imposition redistributifs, qui a investi massivement dans l’éducation, a somme toute résisté à la révolution conservatrice lancée par Ronald Reagan, et Margaret Thatcher au début des années 80. L’inégalité majeure qui devient la règle dans les autres parties du monde y est moindre, le fossé entre riches et pauvres moins profond et une forme de société plus équilibrée, moins dure aux faibles, a survécu aux réformes imposées partout par des gouvernants libéraux, c’est-à-dire, en fait, par les riches.
Ce résultat qui relégitime l’intervention collective dans l’économie pose du coup un problème politique aigu à Emmanuel Macron, du moins tel qu’on le voit gouverner la France depuis six mois. Qu’est-ce au fond que sa politique, in fine, sinon une tentative peinte de couleurs attrayantes pour rapprocher la France du modèle anglo-saxon ? Réduction des impôts pour les classes favorisées, libéralisation du marché du travail, ode à l’initiative individuelle et à la réussite matérielle : le macronisme est un libéralisme à visage juvénile. Il peut aboutir à un redressement économique. Mais il y a fort à parier qu’il débouchera sur des inégalités plus grandes. C’est-à-dire à l’inverse des préconisations contenues dans le rapport Piketty.
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