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vendredi 15 décembre 2017

L'inextinguible faiM de la planète


15 décembre 2017.

L'inextinguible faiM de la planète


Dagan Qaalib, 4 ans, entourée de ses parents, ne pèse que 7 kg. Elle a été hospitalisée pour malnutrition sévère à Borama (Somaliland).
Andrew Renneisen/Rea pour " Le Monde "
Dans le monde, 815 millions de personnes souffrent de sous-alimentation chronique. Un chiffre en augmentation

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Il y a les rapports, les chiffres, les messages d'alerte, lancés par les organisations internationales. Il y a les images, les -témoignages, les reportages, rapportés d'Afrique ou d'ailleurs. Chacun à leur manière, ils disent la même chose : à -notre époque, qui se pique de modernité et de progrès, la faim, cet insupportable anachronisme, continue de frapper de larges portions de la -population mondiale.
En ce début de XXIe  siècle, on ne peut que constater la persistance de ce fléau dans de multiples régions de la planète. " Chaque jour, trop d'hommes et de femmes à travers le globe doivent se -battre pour offrir un repas à leurs enfants (…) et vont chaque soir au lit le ventre vide ", constate le Programme alimentaire mondial (PAM). -Situation d'autant plus scandaleuse " dans un monde qui produit assez de nourriture pour chacun ", quand bien même serions-nous, comme annoncé, 10 milliards en  2050. La production agricole suit. C'est la répartition de la manne -alimentaire entre les humains qui pèche.
Selon un rapport publié par les Nations unies en septembre  2017, plus de 815  millions de personnes, soit 11  % de la population mondiale, étaient toujours soumises à une sous-nutrition chronique. Plus alarmant encore, les organisations internationales constatent que la faim progresse à nouveau. On la croyait pourtant en -régression, depuis les années 1990-1992, époque des grandes mobilisations médiatiques pour la Somalie ou le Darfour soudanais. Elle baissait en valeur absolue, malgré une population en constante augmentation dans la même période.
En l'an 2000, quelque 900  millions de personnes souffraient encore de sous-nutrition. En  2015, elles étaient 777  millions. Forte de ce progrès, la communauté internationale se voulait volontariste : elle fixait même en 2015 l'objectif " zero hunger " (" faim zéro "), avec l'idée de - " libérer le monde de la famine en  2030 ".
Mais, depuis lors, des statistiques sont venues doucher cet optimisme. Elles remontent de manière consternante : en un an, 38  millions d'individus supplémentaires vivent avec la faim au ventre. Ce recul " pourrait signaler une inversion de la tendance ", s'inquiète le -rapport de septembre  2017, copublié par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et -l'agriculture, le Fonds international de -développement agricole, le Programme alimentaire mondial, le Fonds des -Nations unies pour l'enfance (Unicef) et -l'Organisation mondiale de la santé.
Les perspectives sont également inquiétantes : 135  millions de personnes auront besoin d'assistance humanitaire en  2018, selon l'ONU, qui a lancé le 1er  décembre un appel de fonds de 22,5  milliards de dollars auprès des donateurs. Ces chiffres sont comparables à ceux des deux précédentes années, qui marquaient déjà des -niveaux record dans l'histoire des crises humanitaires. Comme toujours, les enfants se retrouvent en première ligne. Près de 155  millions de garçons et de filles souffrent ainsi de retards de croissance liés à une alimentation insuffisante.
Conflits et dérèglement climatiqueLes agences onusiennes imputent pour une large part aux conflits armés et aux chocs -climatiques ce triste regain qui s'accompagne de l'inévitable et accablant cortège des populations déplacées. La situation, toujours d'après l'ONU, " a empiré, notamment dans certaines -régions de l'Afrique subsaharienne, de l'Asie du Sud-Est et de l'Asie de l'Ouest, et la dégradation a été observée plus particulièrement dans les contextes de conflit et de conflit associé à des -sécheresses ou des inondations ".
Le Nigeria, la Somalie, le Yémen, la Syrie, l'Irak ou le Soudan du Sud sont considérés comme particulièrement préoccupants. Dans ces pays, la faim est souvent une arme de guerre : les -convois humanitaires sont bloqués ou distribués au bon vouloir des -belligérants. Mais les Nations unies constatent que la faim progresse aussi dans des Etats qui -semblaient définitivement sortis du sous-développement. Certains pays connaissent aujourd'hui un sérieux ralentissement économique, qui se traduit pour une partie de leur population par un retour de la misère et une -insupportable mise à la diète. Même les -nations développées ne sont pas épargnées, bien que les situations ne puissent se comparer et qu'il est préférable de parler dans ce cas -d'insécurité alimentaire.
En France, une enquête de Médecins du monde, parue en  2014, concluait que les précaires vivant dans notre pays disposaient en moyenne de 3,5 euros par jour pour se nourrir. Un sur deux passait au moins une journée par semaine sans manger et un sur trois développait une pathologie liée à la malnutrition. Les migrants étaient les plus touchés par ce fléau.
Dans un entretien, Rony Brauman remet en perspective ces chiffres alarmants. L'ancien -président de Médecins sans frontières reproche aux organisations internationales de dramatiser les chiffres et donc la famine pour éveiller les consciences dans les pays riches et inciter les donateurs à se montrer plus généreux. Mais il les rejoint sur l'urgence d'agir et sur un point plus fondamental encore : la faim n'est pas une fatalité.
Benoît Hopquin
© Le Monde

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