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mardi 22 août 2017

Pour ou contre ? 5 mesures phares de la loi Travail passées au crible

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Pour ou contre ? 5 mesures phares de la loi Travail passées au crible

Alors que le dernier tour des concertations commence ce mardi, voici les cinq mesures qui risquent de créer la discorde.

C'est la dernière ligne droite. Ce mardi commence le dernier tour de concertation entre la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et les huit organisations syndicales et patronales. La ministre devrait présenter dès aujourd'hui 70% du projet qui vise à réformer le Code du Travail par ordonnances, alors que la loi d'habilitation a été votée par les députés avant leur départ en vacances. Si les arbitrages seront encore tenus au secret par le gouvernement, pour ne pas échauder les syndicats, ces derniers devraient se voir confirmer les grandes lignes de cette réforme avant que l'intégralité du texte ne soit dévoilée le 31 août.
Vous avez tout manqué des négociations ? Voici les cinq mesures phares de ce projet de loi.

Les négociations dans les entreprises sans syndicat

Ce qui existe aujourd’hui : beaucoup d’entreprises passent hors du radar des syndicats. En 2011, la dernière étude du ministère du Travail (Dares) a compté que 75% des entreprises de plus de 11 salariés n’avaient pas au moins un délégué syndical. Plus de 40% des entreprises de plus de 11 salariés ne disposent d’aucune instance de représentativité professionnelle : ni délégué syndical, ni délégué du personnel, ni comité d’entreprise, ni comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Comment faire, alors, lorsqu’un employeur d’une entreprise veut y lancer une négociation s’il n’a pas de délégués syndicaux pour la signer ? Jusqu’à maintenant, les organisations syndicales pouvaient mandater des salariés, pour s’asseoir à la table des négociations. Dans les faits, il arrive que dans certaines entreprises l’employeur et le personnel négocient de manière informelle.

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Ce que veut faire le gouvernement : permettre aux petites entreprises de se passer des syndicats pour négocier.
Pour : pour les très petites entreprises, cela permettrait de négocier plus directement et plus facilement avec les salariés, par le biais du référendum notamment (voir plus bas).
Contre : cette mesure peut être vue comme un moyen de contourner la présence des syndicats dans un accord d’entreprise. En revanche, le seuil de cette mesure fait débat. Par exemple, le syndicat Force ouvrière (FO) n’est pas contre l’application de cette mesure aux entreprises de moins de 50 salariés.

Le référendum d’entreprise

Ce qui existe aujourd’hui : seuls les syndicats représentant au moins 30% des voix ont le pouvoir d’organiser un référendum pour valider un accord d’entreprise.
Ce que veut faire le gouvernement : l’employeur pourrait aussi provoquer un référendum par le vote des salariés, même si les syndicats majoritaires rejettent l’accord d’entreprise.
Pour : cela permet un dialogue plus direct entre le chef d'entreprise et ses salariés.
Contre : les organisations syndicales sont négligées.

Les indemnités en cas de licenciement abusif

Ce qui existe aujourd’hui : lorsqu’un salarié est licencié pour une raison qu’il juge injustifiée, il peut porter l’affaire devant les prud'hommes. Si la justice lui donne raison, elle peut obliger l’entreprise à lui verser des dommages et intérêts qui s'ajoutent aux indemnités de licenciement. Ces indemnités prud'hommales sont aujourd’hui sans limite. Seul un barème indicatif existait, avec des montants en fonction de l’ancienneté.
Ce que veut faire le gouvernement : mettre un plancher et un plafond aux indemnités prud'hommales. Cette mesure est une réelle volonté d’Emmanuel Macron, qui avait tenté de l’inscrire dans la loi par deux fois sous le quinquennat Hollande. Ces tentatives se sont révélées infructueuses : des éléments du texte ont été retoqués par le Conseil constitutionnel. Il ne fait pas de doute que cette mesure sera désormais appliquée. Le débat porte désormais sur le montant du plafond.
Plus le plafond est élevé, plus il satisferait les syndicats. Le montant serait alors fixé, mais la protection du salarié contre les licenciements abusifs se verrait confortée. Ses partisans pensent qu’un plafond haut éviterait à l’employeur de contourner le juge en "prévoyant" les licenciements dans sa comptabilité, et donc le dissuaderait de licencier.
Les partisans d’un plafond bas (les organisations patronales) mettent en avant le droit à l’erreur dans l’embauche d’un salarié, et la protection d’une entreprise qui ne doit pas être menée à la ruine à cause d’un licenciement.

Les mesures de branches

Les branches auront désormais la capacité de modifier des mesures pour l’instant strictement délimitées par le Code du Travail.
  • Le CDD : chaque branche pourra négocier le nombre de renouvellements possible d’un CDD (deux aujourd’hui), et sa durée maximum (18 mois aujourd’hui). Par exemple, la grande distribution pourra, si elle le décide, renouveler 3 fois des CDD de 30 mois si un accord est trouvé.
Pour : cette mesure permettrait aux branches d’augmenter les recours en CDD et de mieux les adapter à leurs besoins, et donc de créer de l’emploi.
Contre : cette mesure pourrait conduire à un dumping social, c’est-à-dire à une détérioration généralisée des conditions de l’embauche en CDD.
  • Les CDI "de chantier" : ils pourront être étendus à d’autres secteurs que le BTP. Ce contrat permet à un salarié d’assurer un chantier dont la fin n’est pas connue. Il permet également à un salarié d’assurer sa mission au-delà de la durée maximum d’un CDD, et de toucher des indemnités de licenciement à la fin de sa mission, sans prime de précarité.
Pour : il permet à des entreprises de s’adapter aux carnets de commandes, notamment dans des secteurs comme l’informatique ou l’automobile, et d’être plus flexibles.
Contre : un CDI de chantier court ne permet pas à l’employé de toucher des indemnités suffisamment élevées. De plus, ce contrat rend le licenciement difficile à contester.

L’instance unique de représentation

Ce qui existe aujourd’hui : les instances de représentativité professionnelles dans une entreprise sont composées de délégués du personnel, d’un comité d’entreprise, et d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Depuis la loi Rebsamen du mois d’août 2015, l’employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés peut fusionner toutes ces instances. Au-delà de 300 salariés, un accord d’entreprise est nécessaire pour fusionner les instances.
Ce que veut faire le gouvernement :
  • fusionner toutes ces instances en une seule par défaut. Un accord majoritaire d’entreprise serait alors nécessaire pour éclater l’instance unique ; 
  • inclure les délégués syndicaux, qui ont le pouvoir de signer les accords d’entreprise, dans cette instance.
Pour : cela permet aux élus d’avoir une vue d’ensemble de leur entreprise, notamment grâce à une meilleure circulation de l'information. L’inclusion du délégué syndical, qui a le pouvoir des négociations avec l’employeur, permettrait de renforcer le pouvoir des représentants.
Contre : les prérogatives spécifiques à chaque instance pourraient disparaître. Par exemple, la CHSCT pouvait porter une action en justice, ce qui n’est pas certain avec la nouvelle réforme. La fusion des instances pourrait aussi se traduire par une baisse du nombre d’heures déléguées, et une baisse du nombre de représentants des salariés, qui pourraient donc être moins protégés. L’inclusion du délégué syndical aux autres représentants conduirait à la fin du monopole des syndicats dans les négociations.

Thibault Lambert

Thibault Lambert

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