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jeudi 20 juillet 2017

Les Crises.fr - L’Iran étend son influence en Syrie, par Dexter Filkins

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20
Juil
2017

L’Iran étend son influence en Syrie, par Dexter Filkins


Source : The New Yorker, Dexter Filkins, 09-06-2017

Des combattants dans le district de Sheikh Maqsood d’Alep, en Syrie, en 2013. Photo de Jack Hill / le Times / Redux
Pour la première fois depuis le début de la guerre civile syrienne, les milices soutenues par l’Iran semblent avoir sécurisé un lien routier à partir de la frontière iranienne tout au long de la côte méditerranéenne de la Syrie. La nouvelle voie terrestre permettra au régime iranien de réapprovisionner ses alliés en Syrie par terre plutôt que par voie aérienne, ce qui est à la fois plus facile et moins coûteux.
Le réseau routier, qui débute sur la frontière iranienne avec l’Irak et traverse ce pays puis la Syrie, a été sécurisé la semaine dernière, lorsque les milices chiites pro-iraniennes ont capturé une dernière série de villages irakiens près de la frontière syrienne. La route enchaîne les zigzags à travers les deux pays, mais elle semble donner à l’Iran un accès direct et sans entraves à Damas et au gouvernement de Bachar al-Assad, que les Iraniens ont soutenu depuis l’insurrection qui a commencé en 2011. Depuis lors, les Iraniens ont été le principal soutien d’Assad, en envoyant des hommes, des armes à feu et d’autres matériels par voie aérienne et maritime.


La nouvelle de la percée iranienne provient de fonctionnaires du gouvernement régional kurde, de la région semi-autonome du nord de l’Irak et d’un expert à Washington qui a suivi le progrès des Iraniens. Des responsables kurdes ont informé l’administration Trump des développements.
« Le couloir est terminé », m’a déclaré un responsable kurde sous couvert d’anonymat. « Les Iraniens peuvent aller, d’un seul tenant, de la frontière iranienne à la Méditerranée ». Les officiels et le Gouvernement régional kurde s’opposent à la route iranienne. En 2012, ils ont rejeté une demande iranienne de transit sur leur territoire en Syrie. Ils veulent que l’administration Trump les aide à la bloquer maintenant. « C’est une route iranienne », a déclaré Fabrice Balanche, membre invité de l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient.
Ce développement est potentiellement important, car pour la première fois, une seule route terrestre relierait une série d’alliés iraniens, y compris le Hezbollah, au Liban, le régime d’Assad, en Syrie, et le gouvernement dominé par l’Iran en Irak. Ces alliés forment ce qu’on appelle souvent le croissant chiite, une sphère d’influence iranienne dans une région jusque-là dominée par les musulmans sunnites.
Les Iraniens ont cherché à créer une telle sphère depuis la fin de la guerre Iran-Irak, en 1988, qu’ils considéraient comme un effort soutenu par l’Occident pour détruire leur régime. C’est pourquoi les Iraniens ont aidé à créer le Hezbollah, la milice chiite qui domine le Liban, et ont formé et dirigé des milices chiites qui ont attaqué des soldats américains pendant leur occupation de l’Irak. La pression iranienne sur le Moyen-Orient arabe a contribué à aggraver le schisme sunnite-chiite qui frappe la région. L’attaque de Téhéran cette semaine par les militants de l’EI est emblématique de l’hostilité avec laquelle les militants sunnites considèrent le régime iranien.
Aucun camion ou autre véhicule iranien n’a apparemment emprunté le parcours, et aucun responsable iranien n’en a parlé publiquement.
Un haut fonctionnaire américain qui s’occupe du Moyen-Orient a contesté l’idée que le couloir iranien était ouvert, disant qu’il y avait encore beaucoup d’acteurs sur le terrain qui pouvaient ruiner les efforts des Iraniens pour passer. « C’est une route extrêmement longue à travers la Syrie, et ils ne pourront pas contrôler cette route », a déclaré le fonctionnaire.
Le réseau routier traverse une longue étendue de territoires pro-iraniens – dont la majorité est détenue par le gouvernement irakien, qui a peu de marges de manœuvre pour s’opposer aux revendications iraniennes – et les zones contrôlées par le régime d’Assad, en Syrie.
Une grande partie du territoire irakien qui accueille la route a été jusqu’à récemment détenue par l’État islamique, avant que les milices chiites ne le chassent. La main-d’œuvre est en grande partie composée d’Irakiens souvent formés et dirigés par des agents iraniens. En Syrie, les alliés et intermédiaires de l’Iran sont nombreux à emprunter le réseau routier, y compris les milices chiites du Hezbollah et d’Irak et d’Afghanistan, qui ont participé à une grande partie des combats du gouvernement syrien.
Le seul obstacle possible à la route terrestre Iran-Syrie vient des Kurdes de Syrie, qui dominent l’extrême Nord-Est du pays et qui opèrent indépendamment des Kurdes d’Irak. Une grande partie du couloir iranien traverse le territoire kurde syrien. Au cours des dernières années, les Kurdes syriens se sont engagés dans un équilibre précaire pour préserver leur autonomie au milieu du chaos qui a submergé une grande partie du reste de la Syrie. Dans la pratique, cela a consisté à conclure ce qui équivaut à un pacte de non-agression avec le gouvernement Assad, un arrangement qui a évolué parfois en moments de coopération militaire explicite.
Et cela a également signifié la coopération avec les forces américaines et autres forces occidentales dans la lutte contre l’État islamique. Comme d’autres groupes kurdes de la région, les Kurdes syriens sont conscients du fait que presque tous les états de la région – en particulier la Turquie – s’opposent à leur indépendance.
Les fonctionnaires syriens kurdes disent qu’ils ne veulent pas que les milices chiites irakiennes traversent leur territoire. C’est une manière de dire ne pas vouloir d’Iraniens non plus. Les alliés de l’Iran exercent déjà des pressions sur les Kurdes : ces derniers jours, les Kurdes ont déclaré que la Russie les menaçait d’une attaque des forces turques.
Le responsable kurde irakien avec qui j’ai parlé m’a dit qu’il croyait que le couloir iranien était inévitable, à moins que les États-Unis ne pèsent pour l’arrêter – peut-être en faisant pression sur les Kurdes syriens. Une grande partie de l’avenir du Moyen-Orient dépendra de qui gagnera le bras de fer. « Tout dépend maintenant de la volonté des Américains d’arrêter cela », a déclaré le responsable.
Dexter Filkins a rejoint le New Yorker comme rédacteur en 2011.
Source : The New Yorker, Dexter Filkins, 09-06-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

11 réponses à L’Iran étend son influence en Syrie, par Dexter Filkins

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DUGUESCLINLe 20 juillet 2017 à 06h30
Une remarque en passant.
Quand un pays défend ses intérêts, il s’appelle “régime”.
Ex: le régime iranien, le régime de Bachar, le régime de Moscou, ( le maître du kremlin) etc..
Les pays soumis au système financier international s’appellent démocraties.
Les présidents élus par 17 à 30 % d’électeurs sont représentatifs de la démocratie.
Les présidents élus entre 60 et 80 % des électeurs sont les maîtres d’un régime.
Qu’en est-il du maître de la Maison blanche, des maîtres de Washington et du Maître de l’Elysée?
Ceci dit l’alliance, Syrie, Irak, Iran, Liban, est liée à la défense d’intérêts communs sur la carte géo-politique et économique des pays concernés, qui luttent contre la mainmise des atlantistes sur leur pays et leurs économies.

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