Translate

dimanche 9 juillet 2017

Les Crises.fr - « Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » : ce que révèle la petite phrase de Macron, par Mathieu Slama


http://www.les-crises.fr

                               Les Crises - Des images pour comprendre
7
Juil
2017

« Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » : ce que révèle la petite phrase de Macron, par Mathieu Slama


Source : Le Figaro Vox,  Mathieu Slama, 03/07/2017
Crédits photo : Geoffroy Van Der Hasselt/AFP
FIGAROVOX/TRIBUNE – La petite phrase prononcée par Emmanuel Macron a fait beaucoup de bruit. Pour Mathieu Slama, elle est représentative de la transposition des valeurs de l’entreprise au monde politique qui s’opère avec le nouveau Président de la République.
Consultant et analyste politique, Mathieu Slama collabore à plusieurs médias, notamment Le Figaro et Le Huffington Post, où il intervient particulièrement sur les questions de politique internationale. Il est l’auteur de La guerre des mondes, réflexions sur la croisade de Poutine contre l’Occident, (éd. de Fallois, 2016).

«Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c’est un lieu où on passe. Parce que c’est un lieu qu’on partage».
Cette petite phrase d’Emmanuel Macron, prononcée dans le cadre d’un discours sans note et manifestement improvisé, est sans aucun doute une maladresse de langage qui n’est en rien comparable avec l’expression «sans dents» que l’on attribue à l’ancien chef de l’État. La suite de la phrase, que nous avons indiquée, en atteste. Cependant elle révèle une vérité cachée, une arrière-pensée qui dit énormément du Président de la République et de ses habitudes de langage – qui sont aussi et surtout des habitudes de pensée. Et il n’est pas anodin qu’elle ait été prononcée devant un parterre d’entrepreneurs et de «startuppeurs», dans un lieu financé par le milliardaire Xavier Niel.
On ne le dira jamais assez: ce gouvernement Macron est le gouvernement de la classe dominante élu par la classe dominante. Cela n’est pas une interprétation abstraite du phénomène En Marche mais une constatation vérifiée par les études de sociologie politique réalisées lors de l’élection présidentielle et des élections législatives. Et l’on sait aussi, grâce à une enquête remarquable du Cevipof, que les députés En Marche issus de la société civile sont dans leur immense majorité des cadres dirigeants et des managers, dont beaucoup travaillent dans les métiers des ressources humaines et de la communication. On sait, enfin, que l’entourage du chef de l’État compte un nombre anormalement élevé de personnalités issues du monde de l’entreprise, dont certains ont exercé en tant que lobbyistes de grands groupes du CAC 40. Le renouvellement dont on parle tant est incontestable: il marque la prise de pouvoir et l’hégémonie de cette nouvelle bourgeoisie managériale dont les principes directeurs sont le pragmatisme, le management et l’efficacité.
En 1916, le célèbre juriste Carl Schmitt, une des figures de la révolution conservatrice allemande, se désolait de l’émergence d’une société «du commerce, de la technique et de l’organisation. En effet, l’entreprise semble être ce qui la caractérise: l’entreprise en tant que moyen extrêmement efficace en vue d’un fin lamentable ou absurde, priorité universelle du moyen sur la fin». Dans cette société, écrit Schmitt, «à la moindre défaillance, une analyse aussi sagace que rapide, ou une organisation appropriée, a tôt fait de remédier à ce dysfonctionnement». Le parallèle avec la société rêvée des macronistes est saisissant.
Les nouveaux députés En Marche ont eux-mêmes été recrutés par le biais d’un processus de recrutement identique à celui d’une entreprise: envoi d’un CV et d’une lettre de motivation, travail sur des cas une fois le premier «round» de recrutement passé. Et la séance de formation aux us et coutumes de l’Assemblée nationale s’est également inspirée des séminaires de coaching des entreprises, sessions de «media training» (entraînement à la parole publique, très courant en entreprise) comprises.
Le phénomène Macron ne se résume pas à la transposition, au sein du monde politique, des méthodes propres au monde des entreprises. C’est aussi l’esprit même de l’entreprise qui est transposée à la sphère politique. La victoire de Macron est celle d’un […]
Suite à lire sur Le Figaro Vox,  Mathieu Slama, 03/07/2017
---

108 réponses à « Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » : ce que révèle la petite phrase de Macron, par Mathieu Slama

Commentaires recommandés


AlainLe 07 juillet 2017 à 06h00
Je trouve au contraire que c’est pire que les “sans dents”:
– c’est une affirmation publique contre une affirmation privée qui n’avait pas lieu de devenir publique,
– il affirme que seuls ceux qui réussissent dans le domaine restreint des affaires (y inclus le business du sport, spectacle, …) ont de la valeur et pourtant il y a d’autres types de réussite, la solidarité n’est rien, faut-il en déduire que l’abbé Pierre par exemple n’est rien? On peut espérer que non mais c’est être optimiste
– “sans dents” c’est être passif, sans énergie mais on est toujours quelqu’un; n’être rien, c’est le néant, la non-existence

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire