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dimanche 2 juillet 2017

Les Crises.fr - De prétendus liens de la Russie avec les Talibans pour la fourniture d’armes sont contestés, par Jonathan Marshall

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3
Juil
2017

De prétendus liens de la Russie avec les Talibans pour la fourniture d’armes sont contestés, par Jonathan Marshall


Source : Jonathan Marshall, Consortium News, 29-05-2017
Dans le Russie-bashing récent, il est affirmé entre autres que Moscou arme les Talibans d’Afghanistan, mais un haut fonctionnaire du renseignement américain met un sévère bémol à cette allégation dans un témoignage à peine remarqué, selon Jonathan Marshal
Un court article de Reuters à la fin de mai dernier a cité les propos du directeur de l’Agence de renseignement de la Défense lors d’une audition au Sénat : « Je n’ai vu aucune preuve matérielle réelle d’un transfert d’armes ou d’argent ». Le lieutenant-général de marine Vincent Stewart répondait aux allégations largement répandues par de hauts fonctionnaires du Pentagone selon lesquelles des armes russes étaient écoulé est vers les Talibans en Afghanistan.

Hélicoptère CH-47 Chinook de l’armée en vol près de Jalalabad, en Afghanistan, le 5 avril 2017. (Photo de l’armée par le Capitaine Brian Harris)

En reconnaissant que les rapports n’ont pas de fondement réel, Stewart a tout simplement démasqué la tromperie des tenants de la ligne dure militaire qui invoquent la menace russe pour justifier la prolongation et l’escalade de la plus longue et de la deuxième plus coûteuse guerre de l’histoire des États-Unis. L’affaire des fournitures d’armes russes en Afghanistan a commencé en décembre dernier, par une manchette typique du Washington Post : « La Russie commence à fournir des armes en Afghanistan, terre des Talibans ».
Dans le corps de l’article, toutefois, il apparaît que Moscou a accepté de transporter 10 000 fusils d’assaut non pour les Talibans, mais pour la police afghane de Kaboul. Un responsable du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré : « La Russie a pour politique constante de fournir une assistance globale à l’Afghanistan en vue de la création d’un État pacifique, indépendant, stable et autosuffisant, exempt de terrorisme et de drogues ». La Russie a déjà fourni des hélicoptères et des formations aux pilotes des forces afghanes, dans le cadre d’un contrat avec le Département américain de la Défense, qui s’est poursuivi grâce à une dérogation spéciale des États-Unis aux sanctions économiques.
Quant aux Talibans, le responsable russe a seulement déclaré que son gouvernement était prêt, dans l’intérêt de la réconciliation nationale afghane, à soutenir « l’affaiblissement éventuel du régime des sanctions… contre les Talibans, si cela n’est pas contraire aux intérêts nationaux afghans ». Il a ajouté que la Russie partageait l’intérêt des Talibans à vaincre l’EI en Afghanistan.
Les Russes boucs émissaires
À partir de mars, parallèlement aux demandes urgentes du commandant des États-Unis en Afghanistan de milliers de soldats supplémentaires pour juguler les progrès militaires des Talibans, des officiers supérieurs du Pentagone ont commencé à accuser la Russie de leurs revers sur le champ de bataille.

Vus à travers un dispositif de vision nocturne, les marines américains mènent une patrouille de logistique de combat dans la province de Helmand, en Afghanistan, le 21 avril 2013. (Photo du Corps des marines des États-Unis par le sergent Anthony L. Ortiz)
« Je pense qu’il est raisonnable de présumer qu’ils prodiguent une forme de soutien aux Talibans en termes d’armes ou d’autres choses », a déclaré aux membres du Congrès le général Joseph Votel, chef du Commandement central américain.
Le secrétaire à la Défense, James Mattis, a renchéri, paraphrasé par le correspondant du NPR, Tom Bowman : « les Russes apportent une forme de soutien, comprenant peut-être des armes, aux Talibans ». Remarquant que les détails étaient « obscurs », Bowman a ajouté : « Le commandant en Afghanistan, le général John Nicholson, pense que c’est un moyen pour les Russes de tout simplement saper les États-Unis et l’OTAN ».
Restant sur la même ligne de communication, le porte-parole de la coalition de l’OTAN en Afghanistana déclaré au Los Angeles Times quelques jours plus tard : « Nous savons que les actions de la Russie en Afghanistan ont pour objectif de compromettre le travail de soutien au gouvernement afghan des États-Unis et de l’OTAN ». Les journalistes ont alors présenté comme un fait acquis que « cela… montre une autre tentative de [du président russe Vladimir] Poutine d’exercer son pouvoir mondial tout en affaiblissant les États-Unis ».
À la fin d’avril, un « haut responsable militaire des États-Unis », parlant en public, a affirmé que les Russes avaient « augmenté leur fourniture de matériel et d’armes légères aux Talibans dans les 18 derniers mois ». Il a déclaré : « Les Russes ont envoyé des armes, y compris des mitrailleuses moyennes et lourdes, aux Talibans sous couvert que le matériel serait utilisé pour combattre l’État islamique dans l’est de l’Afghanistan ».
Le secrétaire Mattis, cité dans le même article, a déclaré de façon menaçante : « Nous allons devoir nous confronter à la Russie là où ce qu’ils font est contraire au droit international et nie la souveraineté d’autres pays ».
Le déni russe
La Russie, de plus en plus considérée comme une « puissance hostile » par beaucoup d’Américains, a gagné peu d’adeptes en réfutant ce qu’elle a appelé « des accusations irresponsables » fondées sur « des rumeurs et des conjectures ». Son envoyé spécial en Afghanistan a qualifié les accusations de transferts d’armes aux insurgés talibans de « mensonges absolus… destinés à justifier l’échec des militaires et des politiques américains ».

Le président russe Vladimir Poutine prend la parole à l’assemblée générale de l’ONU le 28 septembre 2015. (Photo ONU)
Mais la crédibilité de la Russie – même après des mois d’accusations diverses et variées de la part de représentants occidentaux – ne peut guère être plus basse que celle des sources afghanes citées dans les rapports des États-Unis pour renforcer les allégations du Pentagone. Un exemple notable est celui du chef de la police de la province d’Uruzgan, qui a parlé d’agents russes « déguisés en médecins, infiltrant sa région et soulevant les gens contre le gouvernement, fournissant un entraînement et enseignant comment assembler des mines terrestres ».
La corruption putride de la police de la province d’Uruzgan est attestée par rien moins que le commandant de l’armée afghane de cette province. La police a abandonné la capitale provinciale l’année dernière, permettant aux forces talibanes d’avancer sans opposition – non pas à cause des armes russes, mais parce que des hauts fonctionnaires empochaient depuis des mois les salaires des policiers, à l’époque.
Des déclarations similaires contre la Russie ont été faites par le gouverneur de la province de Kunduz, dont la capitale a été envahie par les forces talibanes l’automne dernier. Ce que les journalistes ont qualifié de « reconquête apparemment facile » de la ville, après qu’une incursion semblable des Talibans en 2015 a été repoussée par les forces spéciales américaines. D’autres fonctionnaires afghans et des journalistes indépendants ont attribué les victoires faciles des Talibans aux griefs de la population locale contre élite “mafieuse” qui dirige la province.
Les experts ont également mis en cause l’aide du Pakistan – et non de la Russie – aux Talibans. Faisant écho à leurs plaintes, l’ex-ambassadeur des États-Unis, Zalmay Khalilzad, a déclaré l’année dernière : « L’incapacité des États-Unis à gérer efficacement les relations avec le Pakistan et le problème du sanctuaire [taliban] au Pakistan sont, d’une manière ou d’une autre, depuis le 11 septembre, la source de tous les problèmes des relations américano-afghanes, et de l’Afghanistan ».
L’Arabie saoudite est un autre grand fournisseur des Talibans. Un exposé de Carlotta Gall dans le New York Times a révélé que, en tant qu’alliée de longue date du Pakistan, « l’Arabie saoudite a soutenu le succès des Talibans à Islamabad. Au fil des ans, de riches cheikhs saoudiens et des philanthropes fortunés ont également alimenté la guerre en finançant les insurgés à titre personnel ».
Comment les États-Unis arment les Talibans
Mais peut-être le plus important de tous les fournisseurs d’armes des Talibans est-il le contribuable américain. Les Talibans ratissent des centaines de millions de dollars par l’extorsion de projets financés par les États-Unis dans le pays. Ils remplissent également leur arsenal avec des armes fabriquées aux États-Unis. Un commandant taliban a déclaré à Bloomberg News que lorsqu’il a besoin de plus d’armes et de carburant, il les achète tout simplement ou les vole à son ennemi. « C’est simple et moins cher », a-t-il déclaré.

Un hélicoptère du corps des Marines américain transporte un canon dans la province d’Helmand en Afghanistan le 29 décembre 2012. (Photo du département de la Défense)
Comme l’a récemment remarqué le journaliste et écrivain Douglas Wissing, « la corruption américaine a fait perdre la guerre afghane… La corruption finance l’ennemi, avec des centaines de millions de dollars écumés de la logistique américaine et de l’aide financière… Autorisée et financée par cette corruption, la force des Talibans a augmenté avec des taux à deux chiffres chaque année depuis 2005. Les insurgés contrôlent actuellement environ 40 pour cent de la campagne et exercent des pressions sur les centres gouvernementaux à travers le pays, y compris à Kaboul, de plus en plus assiégée ».
Dans le passé, Donald Trump avait raison lorsqu’il a tweeté que la guerre en Afghanistan était une « catastrophe totale » – quoique, en tant que président, apparemment il envisage un plan avec le Pentagone pour accroître à nouveau le rôle des États-Unis.
Le fait de critiquer les Russes pour les derniers renversements de la guerre peut bien déculpabiliser nos alliés afghans et nos propres soldats d’avoir perdu cette longue guerre au ralenti, mais cela ne changera pas le résultat.
Jonathan Marshall est un collaborateur régulier de ConsortiumNews.com.
Source : Jonathan Marshall, Consortium News, 29-05-2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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