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dimanche 18 juin 2017

Les Crises.fr - Gérard Chaliand : « Le prestige de Daech n’est plus aussi grand »

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18
Juin
2017

Gérard Chaliand : « Le prestige de Daech n’est plus aussi grand »

Source : La Croix, Marianne Meunier, 04/04/2017

ENTRETIEN Malgré des attentats hors de sa base en Irak et en Syrie, Daech est affaibli, selon Gérard Chaliand, géostratège et spécialiste de l’étude des conflits armés.
Les pays d’expansion sont rares, excepté l’Afghanistan.

Opération anti-Daech dans la province de Nangarhar en Afghanistan, le 26 juin 2016. / Rahman Safi
Peut-on parler d’expansion de Daech vers de nouveaux territoires, en Asie et en Afrique notamment ?
Gérard Chaliand : Disons qu’il y a une gesticulation dans ce sens, comme l’a très bien illustré récemment la menace de déstabilisation de la Chine par des combattants de Daech issus de la minorité ouïgoure.
Mais ce sont avant tout des opérations de communication. Organiser des attentats spectaculaires à droite et à gauche pour montrer que l’on existe toujours ne revient pas pour autant à constituer de nouveaux fronts. Et dans tous les cas, aucun front n’est possible avant la bataille de Rakka.
Quels pourraient être ces nouveaux territoires en cas de chute de Rakka ?
G. C. : Une expansion au Sahel me paraît peu probable car la région est sous-peuplée. Elle n’offrirait pas à Daech la possibilité d’un contrôle de la population.
Le cas du Nigeria me paraît improbable lui aussi, car ses combattants y seraient des étrangers absolus. Il leur faudrait des acteurs locaux pour faire propagande. En fait, les perspectives sont plutôt en Asie.
À quels pays pensez-vous en particulier ?
G. C. : Il y a eu des attentats à Djakarta, mais ils ne révèlent pas une lame de fond. L’Indonésie se développe et affiche une croissance économique qui constitue une réponse majeure à l’islamisme. Quant à la Malaisie, l’islamisme ne s’y apparente pas à l’islamisme radical de type wah-habite. C’est un islamisme ultranationaliste que les dirigeants utilisent pour marginaliser les minorités chinoises.
C’est surtout en Afghanistan qu’il faut regarder, Daech y fait de nombreux progrès par rapport aux talibans. Plusieurs conditions sont réunies : il y a un gouvernement soutenu par l’étranger, des forces étrangères, qui certes ne combattent pas, un niveau d’instruction très faible, une économie délabrée. Il faut aussi penser au Bangladesh, un pays de plus de 150 millions d’habitants où l’islamisme progresse dans un contexte de croissance économique dérisoire.
Quels sont les liens entre Daech au Levant et Daech en Afghanistan ?
G. C. : Il y a des liens idéologiques et humains, Daech envoyant en Afghanistan un certain nombre de cadres organisateurs. Mais l’essentiel des ressources humaines sont locales. Pour ce qui est des armes, il est possible de s’en procurer sur place. Quant aux fonds, ils viennent en général du Golfe.
Quel est l’avenir de Daech ?
G. C. : Il est loin d’être extraordinaire. En Irak et en Syrie, Daech a démontré les capacités de résistance et la détermination à mourir de ses militants. Il a sauvé son aura, prouvant qu’il n’est pas un tigre de papier. Mais la bataille de Mossoul et celle qui se profile à Rakka sont de sévères défaites qui détruisent deux éléments essentielles : la prétention à la territorialisation, qui était la grande innovation de Daech, et la disparition symbolique de la frontière entre l’Irak et la Syrie, héritée des accords Sykes-Picot (signés entre la France et le Royaume-Uni en 1916, NDLR).
La disparition du « calife », Abou Bakr al-Baghdadi, qui arrivera peut-être un jour, serait aussi une autre défaite. Ainsi, le prestige de Daech n’est plus aussi grand qu’à l’été 2014, où la victoire paraissait au bout du fusil.
Faut-il donc comprendre les actions qu’il mène en Asie comme autant de tentatives de rebond après les revers enregistrés en Irak et en Syrie ?
G. C. : Oui, il cherche à sauter d’un damier sur l’autre pour signifier son ubiquité et la vivacité de son idéologie. Effectivement, cette idéologie n’est pas morte et continue d’animer un certain nombre de personnes, mais c’est une minorité. Et sur le long terme, Daech n’a aucun programme économique. Or, pour venger, comme il le propose, l’humiliation historique faite à ceux qui ont perdu la place qu’ils occupaient, il lui faut produire de la croissance économique.
Recueilli par MARIANNE MEUNIER
Source : La Croix, Marianne Meunier, 04/04/2017
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