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mardi 20 juin 2017

Drastique éthique

20 juin 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Drastique éthique

Infortune de la vertu, prospérité du vice… Sylvie Goulard, ministre des Armées, ne souhaite pas faire partie du gouvernement que doit nommer Emmanuel Macron avant demain soir. Elle entend montrer sa bonne foi et assurer sa défense hors de l’équipe Philippe dans l’affaire des salariés du Modem qu’on soupçonne d’avoir été rémunérés par le Parlement européen.
Le cas est donc plus gênant qu’on pouvait le penser a priori. On sait qu’il y a deux sortes d’assistants dans ce Parlement, ceux qui œuvrent au sein de l’assemblée pour aider le député européen et ceux qui effectuent un travail politique dans sa circonscription. Le Modem pourrait plaider que cette disposition autorise ces assistants du deuxième type à effectuer un travail pour le parti. Mais si l’on ne trouve aucune trace d’une tâche quelconque effectuée dans la circonscription du député concerné, le problème devient nettement plus aigu. Les bulletins de salaire des assistants apportent un élément de suspicion, malgré les dénégations énergiques de François Bayrou. Il apparaît par exemple que la standardiste du Modem a été rémunérée en partie par l’argent européen. Ce qui sort probablement du cadre régulier. Police et justice doivent faire la lumière sur ces cas litigieux.
Les intéressés pourraient rétorquer que rien n’est encore établi et qu’ils ne sont pas mis en examen. Mais ils sont les premiers à réclamer la moralisation de la vie publique. Le retrait de Sylvie Goulard est la conséquence directe de cet assaut de vertu proclamée, tout comme la sortie du gouvernement de Richard Ferrand, soumis à une enquête préliminaire dans l’affaire de Brest. Goulard et Ferrand pourraient être les premiers d’une série plus longue : plusieurs responsables du Modem, François Bayrou en tête, sont mis en cause.
L’affaire est gênante pour Emmanuel Macron, qui risque de perdre dans cette affaire le concours de ses alliés principaux (à moins que cela, finalement, ne l’arrange). Mais elle peut aussi se retourner en sa faveur : on le créditera de la cohérence au moment où son gouvernement présente une loi qui doit «restaurer la confiance» dans la classe politique. Pour une fois, ceux qui prêchent pour l’éthique en tirent toutes les conséquences.
Prospérité du vice : ces mises à l’écart (deux pour l’instant) tranchent avec le comportement du FN dans une affaire similaire dont la réalité, elle, a été prouvée. Plusieurs assistants du parti frontiste, voués en principe à un travail au sein du Parlement européen, n’y mettaient jamais les pieds, consacrant tout leur temps au travail politique pour le FN. Le Parlement a exigé le remboursement des sommes concernées. Non seulement le FN s’abstient d’en tirer la moindre conséquence mais Marine Le Pen a même refusé de se rendre à la convocation des enquêteurs.
Les contempteurs du «système», donc, en profitent largement et opposent aux investigations judiciaires un déni arrogant. Alors que les supposés membres du même système se comportent avec plus de rigueur quand ils sont mis en cause. Sans doute suffit-il de se proclamer du côté du peuple contre les élites pour s’affranchir des règles minimales qui s’appliquent aux dites élites. Eternelle tromperie du populisme.

Et aussi

• La croissance est «solide», annonce l’Insee. La plupart des clignotants de la conjoncture, c’est un fait, passent au vert. La reprise se confirme, à un rythme modéré mais en légère accélération (1,6% prévu cette année). Le chômage devrait poursuivre sa lente décrue. Ainsi «l’inversion de la courbe» promise par Hollande finit par se produire - mais un peu tard. Objet de l’ire des socialistes battus, le président sortant a tiré les marrons du feu. C’est Macron qui les mange.
• Il n’est «pas impossible» que de nouveaux membres de LR entrent au gouvernement. Le centrisme du gouvernement, décidément, se place à la périphérie de la droite, plus que de la gauche.
• Merkel macronisée ? La chancelière est en tout cas d’accord pour«discuter» des propositions françaises sur la zone euro : un ministre des Finances commun, un budget européen. Bonnes paroles ou réelle volonté ?
LAURENT JOFFRIN
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