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dimanche 28 mai 2017

Les Crises.fr - Trump glisse vers un cycle de guerre sans fin, par James W. Carden

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28
Mai
2017

Trump glisse vers un cycle de guerre sans fin, par James W. Carden

Source : Consortium News, le 16/03/2017
Le 16 mars 2017
Exclusif: Selon James W. Carden, en politique étrangère Trump s’inscrit dans la continuité en poursuivant les guerres au Moyen-Orient et en décevant ainsi ses partisans qui espéraient un changement.
Par James W. Carden
On a entendu, pendant la campagne 2016, un petit groupe très actif de libertariens anti-bellicistes et de conservateurs qui s’étaient convaincus qu’il valait mieux voter Donald Trump qu’Hillary Clinton. En effet, Trump avait fait de sa – fictive – opposition à la guerre d’Irak la pierre angulaire de sa candidature. Selon certains, ce candidat était un Républicain de l’acabit du sénateur Robert Taft, c’était quelqu’un qui voulait se détacher de l’emprise de l’orthodoxie interventionniste des néoconservateurs.
Donald Trump s’adresse à des partisans lors d’un meeting électoral au Fountain Park de Fountain Hills, le 19 mars 2016. (Flickr Gage Skidmore)
Si, comme le suggère l’adage, on peut juger un homme en regardant qui sont ses ennemis, un coup d’œil aux plus virulents des critiques républicains de Trump confirme, semble-t-il, ce jugement. Ainsi Bill Kristol, en janvier 2016, demande-t-il « Est-ce que Donald Trump n’est pas la quintessence même de la vulgarité ? ». Quant à John Podhorez, Trump, selon lui, « serait, sans le moindre doute, la pire chose qui arriverait, de sa vie, à la culture commune américaine. » Le professeur Eliot A. Cohen et les joyeux drilles militaristes de son groupe de pensée ont publié une lettre ouverte qui s’opposait à la candidature de Trump, tandis que la National Review a réuni un colloque d’opposants à Trump pour un numéro spécial intitulé « Contre Trump ».
Toutefois, peut-être que Kristol, Cohen, Podhoretz, la National Review et les autres n’avaient pas besoin de se faire tant de souci. Trump, apparemment, semble tout autant prisonnier du consensus bipartite à propos de la politique étrangère que son prédécesseur. Beaucoup de partisans de Barack Obama nourrissaient le vain espoir que leur candidat allait enfin rompre le cycle des guerres commencées il y a vingt-cinq ans quand George H. W. Bush avait lancé l’opération Tempête du désert contre l’Irak, pour défendre des États pétroliers comme le Koweït et l’Arabie saoudite.
Certes les partisans de Trump peuvent objecter que leur candidat n’est au pouvoir que depuis deux mois à peu près. Laissez-lui le temps, disent-ils. Ce que nous lui accordons bien volontiers, mais il est intéressant cependant d’étudier ce qu’il a fait en matière de politique étrangère jusqu’à présent.
Le budget d’une administration est généralement un indicateur fiable des priorités de celle-ci. Nous voyons ici que, dans le premier projet de budget, on réduit de près de 11 milliards de dollars le budget du Département d’État, tandis que le Pentagone voit le sien augmenter de 54 milliards de dollars, soit une augmentation de 9%.
C’est en Afghanistan, où les États-Unis se battent depuis quinze ans et demi, que se déroule la guerre de loin la plus longue et peut-être la plus inutile que nous menions à l’étranger. Nous pouvons constater que l’administration Trump paraît résolue à augmenter le nombre de frappes aériennes sur les Talibans, s’écartant ainsi du faible engagement contre le terrorisme de l’administration Obama dans les derniers temps.
Le général Joseph Votel, chef du commandement central étatsunien, a déclaré, la semaine dernière, au Comité des services armés du Sénat qu’il allait recommander l’augmentation du nombre de troupes afin « de rendre plus efficace la mission de conseil et d’assistance ». Cette déclaration suit le témoignage du commandant en chef en Afghanistan, le général John Nicholson, qui a affirmé au Congrès en février qu’il allait avoir besoin de « quelques milliers de soldats de plus » pour accomplir cette mission.
Des troupes plus nombreuses
Pendant ce temps, des troupes plus nombreuses se déploient au Koweït. Le 9 mars, l’hebdomadaireArmy Times a annoncé que les États-Unis allaient envoyer « 2500 combattants au sol supplémentaires dans une base au Koweït d’où ils pourraient être appelés pour soutenir les forces de la coalition qui combattent l’EI en Irak et en Syrie. » Ces troupes vont s’ajouter aux 6000 combattants américains qui, en ce moment, en Syrie et en Irak, contribuent à lutter contre l’EI. Ces unités américaines se trouvent maintenant dans le nord de la ville syrienne de Manbij et dans la banlieue de Raqqa.
Le ministre de la défense saoudien, le prince Mohammed ben Salmane Al Saoud.
Selon le Washington Post, ce dernier déploiement des Marines de la 11e unité expéditionnaire constitue « une nouvelle escalade dans la guerre menée par les États-Unis en Syrie et engage plus de troupes américaines conventionnelles dans la bataille. » Ce journal, comme tous les autres médias dominants, oublie de mentionner que ce nouveau déploiement est illégal, du point de vue du droit international, un fait qu’a souligné le président Bachar el-Assad, le week-end dernier, au cours d’une interview par les médias d’État chinois.
Et puis, ce qu’il y a peut-être de pire, c’est le soutien continu des États-Unis à la guerre de l’Arabie saoudite au Yémen. Comme l’analyste du Council on Foreign Relations, Micah Zenko, l’a remarqué récemment, Trump a déjà « approuvé au moins 36 frappes de drones ou raids ces 45 derniers jours – soit une attaque tous les 1,25 jours. Ceci comprend, selon Zenko, trois frappes de drones sur le Yémen les 20, 21 et 22 janvier, un raid des Navy SEAL le 28 janvier au Yémen, une attaque au Pakistan le 1er marsplus de 30 attaques au Yémen les 2 et 3 mars, et au moins une de plus le 6 mars. » Les frappes, nous dit-on, sont une nécessité dans la « guerre globale au terrorisme » et sont présentées comme telles par les porte-paroles de l’armée et de l’administration.
Un porte-parole du Pentagone a indiqué à la sténographe de longue date de CNN, Barbara Starr, que le déferlement de 30 frappes les 2 et 3 mars étaient « des attaques de précision au Yémen contre al-Qaïda dans la péninsule arabique, » afin de « maintenir la pression sur le réseau terroriste et ses infrastructures dans la région. » La guerre États-Unis/Arabie saoudite au Yémen a, comme l’on pouvait s’y attendre, entraîné une catastrophe humanitaire. Selon Bruce Reidel de la Brookings Institution, “un enfant yéménite meurt toutes les 10 minutes à la suite de sévère malnutrition et d’autres problèmes liés à la guerre et au blocus saoudien au nord.”
Et ces attaques ont été menées pour le compte de nos amis saoudiens. Dans les quinze années qui ont suivi leur soutien aux pirates du 11-Septembre, le royaume d’Arabie saoudite s’est, avec l’accord des Américains, engagé dans une campagne pour détruire le Yémen, à cause de la prétendue menace que poserait l’Iran. Pourtant, si le royaume d’Arabie saoudite a attaqué le sud de la péninsule arabique, cela n’a rien à voir avec la « sécurité » ou une « agression » de l’Iran ou la lutte contre le « terrorisme ». C’est, en réalité, une guerre de fanatiques que mènent les extrémistes saoudiens, rien d’autre. Mais quel intérêt l’Amérique peut-elle donc bien trouver à aider les Saoudiens dans une telle entreprise ?
En dépit du caractère haineux de la campagne anti-Houthis de l’Arabie saoudite au Yémen, son cerveau, le jeune ministre de la défense saoudien, le prince Mohammed ben Salmane, a été, cette semaine, invité à déjeuner à la Maison-Blanche avec le président. Présage inquiétant, la déclaration qui a suivi a mis l’accent sur « la communauté de vues du président Trump et du prince ben Salmane à propos de la gravité de l’expansionnisme iranien dans la région. »
Ainsi, pour résumer, en l’espace de deux mois, le président Trump a proposé un budget qui réduit considérablement les fonds alloués à la diplomatie et dépense, en revanche, sans compter pour l’armée, il a engagé des milliers de combattants, ordonné des dizaines de frappes et consolidé l’engagement dans les guerres d’Irak, de Syrie, du Yémen et de l’Afghanistan dans un avenir prévisible. En outre, lui et son équipe ont fait comprendre à l’Arabie saoudite qu’ils partageaient pleinement l’obsession saoudienne de « l’expansion » iranienne.
Un cycle sans fin
Que peut-on faire pour rompre ce cycle, apparemment sans fin, de l’intervention américaine au Moyen-Orient ? Le point commun de toutes les guerres évoquées plus haut, c’est, comme l’a souligné Bruce Fein, avocat constitutionnel et ancien responsable du ministère de la justice, que ce sont des guerres présidentielles, qu’il définit comme « des guerres où le président décide de faire passer les États-Unis d’un état de paix à un état de guerre.
Le président George H. W. Bush s’adresse à la nation le 16 janvier 1991 à propos du lancement de l’Opération Tempête du désert.
Le président George H. W. Bush s’adresse à la nation le 16 janvier 1991 à propos du lancement de l’Opération Tempête du désert.
Fein, membre fondateur du Comité anti-interventionniste pour la République, a écrit longuement sur ce qu’il considère comme l’érosion régulière de la prérogative du Congrès en matière de paix ou de guerre. Selon lui, les fondateurs « ont, dans l’article I, section 8, clause 11 de la constitution, unanimement confié au Congrès la responsabilité exclusive d’engager le pays dans une guerre. » Il étaient, en effet, « quasiment certains que le Congrès ne déclarerait la guerre qu’en réaction à une agression effective ou perçue comme telle contre les États-Unis, c’est-à-dire uniquement en état de légitime défense. »
En conséquence, le Comité pour la République s’est engagé dans un projet bien opportun visant à faire « voter par le Congrès une résolution qui définisse les guerres présidentielles aux termes de la constitution et les déclare inconstitutionnelles en violation de l’article I, 8, 11 (clause de la déclaration de guerre). » En outre, le projet « End Presidential Wars » (Nous voulons la fin des guerres présidentielles) cherche à faire adopter une résolution qui avertirait « le président que de telles guerres seront considérées comme des crimes et des délits aux termes de l’article II, section 4 de la constitution et qu’il sera en conséquence mis en accusation, condamné et chassé du pouvoir. »
Fein évoque la remarque d’Alexis de Tocqueville sur la démocratie en Amérique : « Tous ceux qui cherchent à détruire les libertés au sein d’une nation démocratique doivent savoir que la guerre est le plus sûr et le plus court moyen d’y parvenir. »
À moins que nous ne nous attaquions à notre folie interventionniste actuelle et ne trouvions un moyen de remédier à l’abdication du Congrès devant ses responsabilités constitutionnelles, nous sommes condamnés à continuer, comme c’est le cas depuis 25 ans, à souffrir de ces interminables et illégales interventions militaires au Moyen-Orient et ailleurs.
James W. Carden écrit dans The Nation et il est directeur de la rédaction d’eastwestaccord.com de l’American Committee for East West Accord (Comité américain pour un accord est/ouest). Il a été précédemment conseiller sur la Russie, au département d’État, auprès du représentant spécial pour les affaires inter-gouvernementales au niveau mondial.
Source : Consortium News, le 16/03/2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

25 réponses à Trump glisse vers un cycle de guerre sans fin, par James W. Carden

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FritzLe 28 mai 2017 à 01h48
Si on ne peut faire confiance à aucun président, à aucun parlement pour mettre fin au cycle des guerres illégales et criminelles, que reste-t-il ? La résignation, ou la révolution. Mais ça veut dire quoi, en 2017, faire la révolution ?
Si les partis socialistes avaient décrété la grève générale contre la guerre, en 1914, en France, en Allemagne, en Autriche-Hongrie, nous aurions évité (peut-être) la première guerre mondiale et les deux mouvements qui ont prospéré sur la faillite de la IIe Internationale : le léninisme et le fascisme.
Et maintenant ? Nous sommes paralysés, impuissants… Et voilà qu’un sale type profane la tombe familiale de Charles de Gaulle à Colombey. Et on va continuer comme ça ?

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