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vendredi 26 mai 2017

Les Crises.fr -Cogner plus fort sur la Russie, par Nat Parry


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                                    Les Crises - Des images pour comprendre
26
Mai
2017

Cogner plus fort sur la Russie, par Nat Parry


Source : Consortium News, le 12/04/2017
Le 12 avril 2017
À présent que le président Trump cogne sur la Russie plutôt que de rétablir les relations, les médias américains grand public sont passés du conspirationnisme “Russie-gate” à un bruyant scepticisme quant à la sincérité des déclarations antirusses du gouvernement, remarque Nat Parry.
Par Nat Parry

Après plusieurs mois à répandre la théorie conspirationniste du « Russia-gate » – un récit à la fois délirant, amalgamant tout dans un récit quelque peu nébuleux, impliquant le président américain Donald Trump, le président russe Vladimir Poutine, WikiLeaks, la mafia russe, des assassinats et des frasques avec des prostituées dans un hôtel de Moscou – les médias grand public américains reviennent maintenant à leur rôle traditionnel de minimisation des théories du complot, en particulier celles qui suscitent des questions sur les informations fournies par les services de renseignement entourant la présumée attaque à l’arme chimique en Syrie la semaine dernière.

Le siège du New York Times à New York. (Photo de Wikipedia)
Lundi, le New York Times publiait un article intitulé « Les théories du complot syrien prospèrent, aux deux extrémités du spectre, » qui déplorait le fait que les sites web de gauche et de droite aient soulevé des doutes sur le casus belli justifiant l’action militaire américaine contre la Syrie.
Notant que certains sites d’information alternatifs ont qualifié l’attaque chimique d’opération sous “fausse bannière” et que d’autres ont soulevé la question de savoir si l’action militaire de Trump était une tactique de diversion du type “Wag the Dog” [film Des hommes d’influence, NdT], le Times tente de « démonter » les mèmes d’Internet qui ont instillé des doutes au sujet de l’attaque chimique ou ont remis en question la justification de l’action militaire américaine.
Faisant preuve d’une agressivité inobservée lorsqu’il s’était agi des allégations infondées de « piratages électoraux russes », le Times riposte avec fureur sur des sujets comme les raisons qui auraient bien pu pousser Assad à utiliser des armes chimiques à un moment pareil, ou encore l’éventualité que les forces anti-Assad aient pu avoir connaissance à l’avance de l’attaque au gaz sarin. L’article du Times utilise des réponses cassantes, en majuscules pour réfuter ces allégations, comme ces déclarations catégoriques : « FAUX », « SANS PREUVE » ou « TROMPEUR ».
Le Times, par exemple, remarque qu’Information Clearing House a soutenu qu’Assad n’avait aucune raison tactique ou stratégique évidente d’utiliser des armes chimiques et, par conséquent, il est possible que l’attaque ait été menée par l’un des groupes terroristes opérant en Syrie comme le front al-Nosra. À quoi le Times répond, cependant, “CECI EST TROMPEUR.”
Arguant de quelques raisons floues pour lesquelles les forces d’Assad auraient pu être motivées pour mener une attaque chimique, le Times soutient que l’attaque était “conforme à la stratégie calculée d’Assad de tenter de chasser la population civile dans les bastions rebelles en bombardant des quartiers et des cibles civiles.” Le dirigeant syrien s’est peut-être aussi “senti enhardi” par des changements perçus dans les politiques et les priorités étrangères américaines sous Trump, spécule le Times.
Bien sûr, ceci est simplement une hypothèse de la part du Times, qui ne présente pas de faits pour contrer les doutes à propos de l’histoire officielle, mais répond juste aux doutes par plus de conjectures. Le Times semble également être en train de choisir quelques-unes des histoires les plus facilement “discréditables” entourant le cas de la Syrie, ne répondant pas aux inquiétudes légitimes quant à l’absence de preuve de la culpabilité d’Assad. Il s’agit notamment des doutes soulevés par l’ancien ambassadeur britannique en Syrie, Peter Ford, qui a déclaré à la BBC la semaine dernière qu’il n’y avait “aucune preuve que la cause de l’explosion soit celle qu’ils ont avancée.”
Il ne serait pas logique pour Assad de lancer une telle attaque, a déclaré Ford, affirmant que ce serait “totalement auto-destructeur”. Il a également mis en doute la véracité des déclarations faites par des témoins oculaires qui ont affirmé avoir vu des bombes chimiques tombant du ciel. “Eh bien, personne ne peut reconnaître des armes chimiques tombant du ciel,” a-t-il dit. “Ces témoignages sont sans valeur.”
La question de la propriété
Il existe également de sérieux doutes quant à savoir si la Syrie est même en possession des armes chimiques en question, et l’Organisation des Nations Unies en faveur de l’interdiction des armes chimiques a souligné que, depuis 2013, “toutes les armes chimiques déclarées par la Syrie ont été retirées et détruites hors du territoire de la Syrie.”

Une bouleversante image de propagande conçue pour justifier une importante opération militaire américaine en Syrie contre l’armée syrienne.
Bien que certains gouvernements aient affirmé que la déclaration de la Syrie concernant son programme d’armes chimiques aurait peut-être été incomplète, l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) ajoute qu’elle s’est investie “plus que jamais” dans les efforts visant à “retirer, transporter et détruire le stock d’armes chimiques déclaré par la Syrie au milieu d’une zone active de conflit.”
Dans cet esprit, Sacha Llorenti, l’ambassadeur bolivien aux Nations Unies, a vilipendé les États-Unis vendredi dernier pour avoir attaqué unilatéralement la Syrie, disant y voir un rappel de la décision il y a 14 ans d’attaquer l’Irak sur la base d’informations tout aussi douteuses.
Il est “vital de se souvenir de ce que l’histoire nous apprend,” a dit Llorenti, invoquant l’invasion de l’Irak en 2003 et tenant une photo du Secrétaire d’État d’alors, Colin Powell, qui se livrait à un faux témoignage devant le Conseil de Sécurité de l’ONU sur l’allégation d’armes de destruction massives en Irak.
“Alors qu’une enquête nous aurait permis d’établir de façon objective qui est responsable de l’attaque (chimique) (en Syrie), nous assistons ici à une violation des lois internationales d’une gravité extrême, extrême.”
En plus des doutes qui se sont élevés à l’ONU, un certain nombre des plus proches alliés des USA du G7 ont refusé de déclencher des sanctions supplémentaires contre la Syrie sans preuve de la culpabilité d’Assad.
Comme le rapportait la BBC mardi, “Aucune sanction contre la Russie ni la Syrie ne sera mise en place sans une investigation sur l’apparente attaque chimique de la semaine dernière, selon des sources du gouvernement anglais. Les membres du G7, groupe des principales nations industrialisées, sont d’accord pour repousser la mise en place de sanctions jusqu’à ce qu’il y ait “une preuve solide et irréfutable” de l’attaque chimique présumée.”
Et pourtant le New York Times et autres médias dominants américains continuent de rapporter comme non contesté le fait qu’Assad a intentionnellement mené cette attaque et qu’en plus Moscou l’avait su avant que cela ne se produise.
Ces formulations catégoriques que le Times utilise contre les journalistes et les blogueurs soulevant des doutes sur les récits officiels pourraient, bien sûr, être aussi bien appliquées aux narrations officielles elles-mêmes. Quand par exemple l’Associated Press rapporte mardi que “l’ONU a conclu en premier lieu que la Russie savait à l’avance que la Syrie allait mener l’attaque chimique de la semaine dernière,” le Times aurait pu répondre en lettres capitales “PAS DE PREUVES”.
Ces réponses pourraient aussi être rétorquées à ceux qui accusent le gouvernement russe d’avoir ourdi un complot alambiqué, afin de miner les chances de la candidate démocrate Hillary Clinton, en piratant les courriels de Podesta et du Comité National Démocrate, révélant ainsi comment l’establishment démocrate a sapé la candidature du séditieux Bernie Sanders, pendant que, simultanément, il poussait la candidature de Trump dans les médias grâce à la soi-disant stratégie du “joueur de flute”, car, pour une raison inconnue, les mauvais génies du Kremlin avaient deviné que cette information ferait pencher les électeurs en faveur du candidat le plus impopulaire qu’un parti majeur ait présenté depuis une génération.
Tout comme le New York Times a dénoncé les théories entourant l’attaque chimique de la Syrie comme étant dépourvues de preuves, on pourrait également considérer tout le récit de Russia-gate comme dépourvu de fondement. Il suffit de lire l’évaluation du renseignement des États-Unis qui conclut douteusement que la Russie a « interféré » dans les élections sans offrir quoi que ce soit pour étayer cette affirmation – en préférant consacrer sept pages entières à dénigrer le réseau russe RT pour ses préjugés affichés.
En parcourant le rapport du Directeur du renseignement national de janvier dernier, le lecteur n’obtiendra que peu de détails sur la façon dont a éclos la conclusion extraordinaire que la Russie a “piraté” l’élection, ce que le sénateur John McCain, Républicain-Arizona, et d’autres ont appelé un “acte de guerre”.
Ce qui se rapproche le plus d’une preuve dans le rapport du DNI porte sur les prétendues empreintes digitales russes laissées par les actes de piratage des courriels de Podesta et du DNC, y compris les logiciels malveillants associés aux pirates russes, ainsi que des lettres cyrilliques et la mention “Felix Edmundovich”, une référence au fondateur de la police secrète de l’Union soviétique.
Toutefois, comme l’ont révélé les divulgations ultérieures de WikiLeaks sur les documents du dénommé Vault 7, la CIA a développé de nombreux outils, y compris une bibliothèque de logiciels malveillants étrangers, qui peuvent être utilisés pour impliquer faussement un service de renseignement étranger dans une cyberattaque.
Ces révélations ont remis en question toute la base de l’affaire de Washington contre Moscou et sa prétendue ingérence dans les élections américaines, mais à part quelques articles dans la presse alternative, y compris dans Consortiumnews, les révélations n’ont reçu que très peu d’attention.
Apparemment, les divulgations des activités de piratage de la CIA – y compris de nouvelles révélations de la CIA piratant et transformant les téléviseurs Samsung en dispositifs d’écoute pour espionner les Américains à leur insu – n’étaient pas la sorte de théorie du complot considérée comme digne d’une couverture médiatique soutenue aux États-Unis. En total contraste avec les mois de matraquage sur le Russia-gate, les fuites de Vault 7 ont été en général traitées comme une affaire d’un jour par la presse traditionnelle.
Cette disparité de couverture témoigne de la vieille aversion des médias traditionnels envers ce qu’ils considèrent comme d’illégitimes « nouveaux médias » qui empiètent sur leur territoire en propageant des théories conspirationnistes et ce qu’on appelle aujourd’hui les « fausses nouvelles ». Cette hostilité remonte aux premiers jours de l’Internet.
“Les malades de la conspiration”
Il y a 20 ans, face à la prolifération des sites d’information alternatifs sur le World Wide Web – “les autoroutes de l’information” comme on disait à l’époque – le magazine Newsweek fit paraitre un article de 1800 mots intitulé “La fièvre de la conspiration alimente une paranoïa nationale en pleine croissance.” Dans ce papier, Newsweek dénonçait ce qu’il appelait “les malades de la conspiration”.

Le journaliste Gary Webb montrant une copie de son article Contra-cocaïne dans le San Jose Mercury-News.
En expliquant une acceptation croissante des théories de la conspiration comme preuve de « psychose de masse », l’article prévoyait que les « rangs des obscurément trompés pourraient croître » car « le conspirationnisme est devenu une sorte de para-religion. »
Cela a pris un essor particulier dans la communauté afro-américaine, qu’il qualifiait de « foyer de ce genre de suspicion et de méfiance », pour croire que « la CIA avait répandu l’épidémie de crack en soutenant les trafiquants de drogue nicaraguayens dont les bénéfices allaient aux contras. »
Newsweek critiquait également Oliver Stone, réalisateur de Platoon et de JFK, et Chris Carter, le créateur de la série X-Files, coupables de promouvoir des idées dangereuses qui sapaient la confiance du peuple envers le gouvernement. “Dans les X-Files, tout, depuis le meurtre de JFK jusqu’aux défaites à répétitions des Buffalo Bills au Super Bowl, est le résultat d’un unique plan machiavélique,” raillait l’article.
Bien sûr, Newsweek n’était pas seul à tourner en dérision les théories du complot populaire dans les années 1990. En fait, il relevait du bon sens parmi les média “respectables” de l’époque qu’il y avait des limites que les hommes d’État ne franchissaient tout simplement jamais, et certaines affaires, par exemple concernant l’implication de la CIA dans le trafic de cocaïne – qu’importe le niveau de preuvesqui les corroboraient – sortaient de ces limites. Ceux qui n’épousaient pas cette façon de penser, Gary Webb, par exemple, auteur d’une série d’articles à succès pour le San Jose Mercury News sur la connexion CIA-crack, virent  leur carrière brisée.
Ce phénomène continua dans les années 2000, lorsqu’on fit comprendre aux millions d’américains furieux de s’être fait voler l’élection de 2000 qu’il fallait “s’en remettre”, puis qu’on traita de fous ceux qui mettaient en doute les justifications de George W. Bush pour envahir l’Irak en 2003.
Deux ans plus tard, ceux qui soulevèrent des questions à propos de la gestion publique bâclée de l’ouragan Katrina furent accusés par le Washington Post de “paranoïa raciale” et de colporter des “théories du complot” telles que l’idée très répandue qu’on avait fait sauter intentionnellement les digues de la Nouvelle Orléans pour protéger les quartiers riches au détriment des plus pauvres, ou pour inciter les afro-américains à petits revenus à quitter la ville.
Mais voilà que, dix ans plus tard, étrangement, ces mêmes média historiquement hostiles aux théories conspirationnistes se sont empressés d’en propager concernant la défaite de Clinton face à Trump. Des gros titres à base de “Hacking Russe des élections” ont été employés par le Washington Post, CNN et le New York Times, en dépit du fait qu’il n’y a aucune preuve que la Russie ait manipulé quelque machine à voter dans quelque état que ce soit afin d’altérer le résultat des élections, ni même aucune preuve concrète derrière les allégations que le Kremlin aurait tenté d’influencer le vote en dévoilant les emails privés des représentants du DNC.
Russie, Russie, Russie !
Malgré tout, Démocrates et médias se sont rangés à l’opinion commune selon laquelle l’élection a été perdue par suite d’une machination russe, ce qui absout confortablement le Parti démocrate de toute responsabilité dans la défaite – comme celle d’avoir fait l’impasse sur le vote des classes laborieuses blanches ou celle d’avoir nommé une candidate de l’establishment profondément médiocre à une époque décidément anti-establishment – tout en lui permettant de contester la légitimité de la présidence de Trump.

Un paysage hivernal à Moscou, près de la Place Rouge. (Photo prise par Robert Parry
Ceci s’exprime également dans le cri de ralliement que les Démocrates ont adopté depuis la perte de l’élection, qui a évolué sous les variantes du thème “Ce n’est pas normal”, exprimé par le hashtag #NotNormal sur les réseaux sociaux. Ce thème déplore la perte d’un temps plus “normal”, sans doute incarné par le prédécesseur de Trump en la personne de Barack Obama.
Généralement, le slogan fait référence aux rapports controversés de Trump avec la Russie, son style de communication non conventionnel et ses nombreux conflits d’intérêts répertoriés, ainsi que sa misogynie, son népotisme, son racisme et l’incompétence de son administration, aussi bien réels qu’imaginaires.
De toute évidence, il y a très peu de choses qui peuvent être considérées comme « normales » dans cette administration, y compris le rôle étrange de la fille de Trump, Ivanka, qui a déménagé à la Maison-Blanche alors que la Première dame, Melania Trump, vit à New York. La Première fille aurait contribué à convaincre le président de mener l’attaque unilatérale contre la Syrie.
“Ivanka est mère de trois enfants et elle a de l’influence. Je suis certain qu’elle a dit : “Écoute, ce sont des choses horribles,” a déclaré Eric Trump, le frère d’Ivanka, au Telegraph.
Pour anormal que soit tout ceci, ce que les Démocrates et les médias révèlent à travers leur campagne #NotNormal et les théories officielles conspirationnistes qu’ils promeuvent – tout en minimisant d’autres théories et les doutes émis à propos des affirmations du gouvernement – c’est en fait leur propre vision de ce qui est “normal”.
Dans l’Amérique d’aujourd’hui, ce qui est normal, d’après le consensus bipartisan, ce sont les frappes unilatérales contre d’autres États sans justification avérée et en violation des lois internationales. Apparemment, il est aussi normal que des écrans de télévision espionnent les citoyens respectueux des lois, et puisque les frappes de drones sont en hausse de 432% depuis que Trump est président, il semble qu’il est tout à fait normal d’utiliser des robots volants pour tuer de présumés terroristes (etleurs filles de huit ans) à l’autre bout du monde. Et la détention illimitée dans un trou noir juridique à Guantanamo, ça aussi, c’est plutôt normal.
Après tout, toutes ces politiques ont été instaurées il y a quinze ans, elles se sont poursuivies aussi bien sous l’administration des Démocrates que celle des Républicains, et l’espoir semble de plus en plus ténu de voir revenir une période de véritable normalité.
Source : Consortium News, le 12/04/2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

12 réponses à Cogner plus fort sur la Russie, par Nat Parry

Commentaires recommandés

Georges ClounaudLe 26 mai 2017 à 09h11
Le délire paranoïaque russophobe n’est pas une exclusivité étatsunienne. Au moment où je commence à écrire ces lignes les néocons Bernard Guetta et Dominique Moïsi sont en plein délire sur France Inter ! C’est un festival !
Heureusement certains auditeurs pas encore totalement lobotomisés ont réussis à passer le barrage du standard pour poser des questions d’une indiscutable lucidité…
Quand on oppose à ces indubitables propagandistes le principe de réalité leur fiel impérialiste perd toute crédibilité.

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