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lundi 15 mai 2017

Le roi est mort vive le roi

15 mai 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne

Le roi est mort vive le roi

Les Français veulent-ils vraiment changer de république ? En attendant que la fumée blanche sorte du crâne macronien pour le poste de Premier ministre, cette réflexion ironique s’impose. Tous les commentateurs ont souligné – célébré ? - le «sans-faute» réussi par le nouveau président en ce dimanche d’intronisation, dans un mouvement unanime qui correspond, selon toutes probabilités, au sentiment de la majorité de l’opinion. Jugement sensé, puisque aucune fausse note, pas même météorologique, n’est venue gâcher la cérémonie de passation des pouvoirs.
Mais l’expression «sans-faute» suppose par définition une norme impérative qu’on doit appliquer sans la moindre erreur. Et qu’est-ce que cette norme, sinon l’étiquette rigoureuse imposée par le régime de monarchie républicaine sous lequel nous vivons et qu’Emmanuel Macron, à la satisfaction de tous, a scrupuleusement respecté ? Tapis rouge immaculé, gardes républicains au casque désuet et scintillant, nouveau carrosse, une DS7, aimablement et gracieusement offert par PSA, fournisseur officiel de la couronne, Marseillaises tonitruantes, proclamation officielle par le président du Conseil constitutionnel qui tient le rôle naguère dévolu à un archevêque, collier de Grand-Croix de la Légion d’honneur qui remplace la couronne, le sceptre et la main de justice jadis remis au nouveau monarque, discours solennel qui fait office de serment au royaume, remontée puis descente des Champs-Elysées sous les acclamations du bon peuple, convié comme il l’était à Reims, visite protocolaire à la mairie de Paris, qui rappelle les liens particuliers entre le souverain et sa capitale, deuxième discours solennel du président, lequel s’assoit, pendant la cérémonie, sur un trône à dorures et velours rouge sur lequel on remarque une couronne brodée qui surmonte l’emblème de Paris. Il n’y manque que l’oint du seigneur, l’envol d’une colombe et la guérison des écrouelles…
Monarchie républicaine, donc, celle-là même que les commentateurs, si souvent, jugent dépassée, obsolète, voire antidémocratique et qu’ils préconisent de remplacer par une VIe république qui rendrait enfin au peuple – ou à ses représentants - la réalité du pouvoir. On soupire après une constitution plus populaire, plus démocratique, plus parlementaire, mais on plébiscite sans y prendre garde le régime semi-monarchique instauré par le général De Gaulle. Paradoxe inévitable : dans les autres démocraties, à l’exception des Etats-Unis, on a séparé la fonction sacrée de symbole de la nation, conférée à un roi (en Grande-Bretagne, dans les pays scandinaves) ou à un président sans pouvoirs autres que rituels (en Italie, en Allemagne, en Autriche…), de la réalité du pouvoir gouvernemental, confié à un Premier ministre désigné par la majorité parlementaire. La France a concentré sur le même homme les attributs de la souveraineté, spirituels et temporels. Pour mettre fin à cette confusion d’essence monarchique, il faudrait sans doute renoncer à l’élection du président au suffrage universel et le remplacer par un roi soliveau flanqué d’un Premier ministre appuyé sur le Parlement. Mais qui veut vraiment ôter au peuple ce pouvoir de désignation directe ? Sous Macron comme sous De Gaulle, Giscard ou Mitterrand, la république restera donc monarchique.

Et aussi

Le nouveau président laissera aux communes la responsabilité des rythmes scolaires, dont la réforme a suscité un débat passionné et souvent amer. Chacun fera donc comme il lui plaira. Etrange système : la France était auparavant la seule à imposer la semaine de quatre jours, que tous les spécialistes de la question jugent néfaste aux enfants. Mise en place dans la difficulté, la réforme fonctionne : voilà qu’on l’abandonne au bon vouloir des maires. La commodité locale se substitue à la règle. Sans doute les élèves sont-ils différents d’une commune à l’autre. Ici, ils ont besoin de cinq demi-journées pour étudier correctement et là non. A moins que l’intérêt de l’enfant soit finalement secondaire dans cette affaire et que l’emporte celui des parents, des profs ou des élus…
Marine Le Pen hésite à concourir aux législatives. Pourtant sa présence à l’Assemblée serait un point marqué par le FN. Il est vrai que sa désastreuse fin de campagne présidentielle ne plaide pas pour elle. Courageuse mais pas téméraire ?
Erreur regrettable dans la lettre de campagne de jeudi dernier : le verrier syndicaliste dont Jaurès avait pris la défense à Carmaux ne s’appelait pas Carmignac mais Calvignac. Une lectrice du Tarn a heureusement signalé cet impair. Le voici réparé.
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