Translate

vendredi 19 mai 2017

Editorial de la Tribune des travailleurs du 17 mai 2017 : Vers un gouvernement de « grande cohabitation » ?

https://latribunedestravailleurs.fr

                                        La Tribune des travailleurs

Vers un gouvernement de « grande cohabitation » ?

Editorial de la Tribune des travailleurs du 17 mai 2017


Editorial de Daniel Gluckstein 
. Rencontrant Merkel dans les heures qui ont suivi son investiture, Macron lui a proposé un renforcement des pouvoirs supranationaux de l’Union européenne. À quoi la chancelière allemande a répondu qu’il pouvait compter sur elle… mais qu’il devrait avant tout mener à bien sa réforme du droit du travail. Un engagement auquel Macron a naturellement souscrit, lui qui ne cesse de répéter que dans les plus brefs délais, et par ordonnances de préférence, il aggravera l’opération de destruction du Code du travail entreprise par son ex-collègue El Khomri.
L’Allemagne, c’est le pays de la « grande coalition », nouée depuis des années entre le Parti social-démocrate et le Parti chrétien-démocrate, pour contenir la résistance ouvrière et faire passer les plans du capital. Pour Macron, c’est une source d’inspiration. Bien sûr, la France n’est pas l’Allemagne. Il n’y a pas chez nous de régime parlementaire nécessitant des coalitions. Mais, à défaut de se coaliser, la Ve République permet que « cohabitent » un président et un Premier ministre d’origines politiques différentes, les institutions garantissant au président d’avoir le premier et le dernier mot.
Le schéma de Macron consiste à pouvoir diriger le pays quels que soient les circonstances et le résultat des élections.
Première étape : fort du ralliement, depuis des mois, de tout un secteur du Parti socialiste, le mouvement « En Marche ! » accorde son investiture à plusieurs dizaines de députés sortants du PS, à quoi s’ajoutent ceux contre lesquels il ne présentera pas de candidats (Valls, peut-être El Khomri, Touraine… ?).
Seconde étape : la nomination d’un Premier ministre « Les Républicains » s’accompagne d’une déclaration de plusieurs responsables nationaux de ce parti prêts à appuyer un tel gouvernement, dont se rassemblent les premiers ingrédients.
Mais ce n’est qu’un début.
Décidés à gagner un maximum de députés sous leurs propres couleurs, les porte-parole du parti Les Républicains se disent ouverts, après l’élection, à cogouverner ou cohabiter, selon les cas.
Même disposition du côté du Parti socialiste.
Qu’en est-il de La France insoumise ? Réunissant ses candidats, samedi 13 mai à Paris, Mélenchon a déclaré : « La France insoumise propose aux électeurs d’organiser une nouvelle cohabitation », précisant qu’il s’agit « de mettre en échec la politique macroniste ». Et de donner en exemple le gouvernement de cohabitation Chirac-Jospin (1997-2002) qui fut, selon lui, « un des moments les plus positifs de la vie de l’économie française ». Rappelons que le gouvernement Chirac-Jospin, appliquant les directives européennes, a privatisé EDF-GDF, dressant contre lui, dans la rue, par dizaines de milliers, électriciens et gaziers avec leurs syndicats ; qu’il a instauré les « emplois jeunes », mesure de déréglementation et de précarisation généralisée ; qu’il a mis en application le plan Juppé contre la Sécurité sociale, voté par la majorité précédente, malgré la mobilisation de millions de travailleurs, avec leurs organisations syndicales ; qu’il a mis en place l’euro ; et qu’il a même adopté une énième contre-réforme de l’enseignement technique et professionnel public (*).
Un exemple à suivre ?
Sous la Ve République, la cohabitation entre le président et le Premier ministre a pour seule fonction de permettre, quelles que que soient les circonstances, que le président préside et fasse respecter une Constitution dont l’article 88-1 exige la stricte application des traités de l’Union européenne.
Ce sera le cas demain, nul n’en peut douter, du gouvernement de la « grande cohabitation » qui se prépare, même si sa configuration exacte n’est pas encore connue.
Le sens en a clairement été réaffirmé par Macron dans son discours d’investiture : « La division et les fractures qui parcourent notre société doivent être surmontées, qu’elles soient économiques, sociales, politiques ou morales (…). Je ne céderai sur rien des engagements pris (…). Le travail sera libéré, les entreprises seront soutenues, l’initiative sera encouragée (…). Je crois aux institutions de la Ve République et ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’elles fonctionnent. »
Premier objectif : la destruction du Code du travail. À peine nommé, le nouveau Premier ministre a déclaré qu’il savait « le peuple très en colère », que le gouvernement dialoguera donc avec les organisations syndicales… mais qu’au bout du compte, il imposera ses ordonnances destructrices.
Le message est clair : d’une manière ou d’une autre, les droits des salariés doivent être atomisés entreprise par entreprise. C’est pourquoi au gouvernement de « grande cohabitation » doit correspondre un « grand dialogue social » dont l’objectif est d’associer les syndicats à cette œuvre de destruction.
La classe ouvrière entre dans une période complexe.
Il lui faudra chercher la voie du combat dans l’unité avec ses organisations contre toute nouvelle atteinte au Code du travail, avec ou sans ordonnances, et pour l’abrogation de la loi El Khomri.
Cela implique que l’indépendance du mouvement ouvrier est au centre de la situation.
Aucune concession ne peut donc être faite à la cohabitation.
On objectera : pourrait-on faire autrement ?
Non, si l’on respecte les institutions de la Ve République qui réduisent le Parlement à un rôle croupion, qui n’est là que pour donner au président ce qu’il demande.
Mais supposons un instant que Jean-Luc Mélenchon – qui se proclame seul capable de gagner une majorité de députés contre la politique de Macron – renonce à son projet de gouvernement de cohabitation inspiré de celui de Chirac-Jospin. Imaginons qu’il proclame qu’en cas de victoire, une majorité France insoumise à l’Assemblée nationale refusera toute cohabitation et qu’elle convoquera immédiatement l’élection d’une Assemblée constituante pour permettre au peuple de décider la rupture avec l’Union européenne, la fin de la Ve République et l’établissement d’institutions authentiquement démocratiques.
Nous serions alors dans une tout autre situation.
Au fait, n’est-ce pas cela que les électeurs de Mélenchon à l’élection présidentielle seraient en droit d’attendre ?
Pour l’heure, on l’a vu, ce n’est pas ce langage que tient La France insoumise.
Pour ce qui les concerne, les candidats du Parti ouvrier indépendant démocratique aux élections législatives se présentent sur un programme de rupture avec la Ve République, l’Union européenne et les diktats de la classe capitaliste, et de combat pour l’Assemblée constituante.
Car notre objectif est l’instauration d’un gouvernement ouvrier. Lequel, par définition, ne peut cohabiter ni avec les exigences du capital financier, ni avec ses institutions, ni avec son représentant à l’Élysée.
(*) Proposée par un membre du gouvernement de cohabitation appelé… Jean-Luc Mélenchon.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire