Translate

jeudi 18 mai 2017

Bonapartisme managérial

18 mai 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Bonapartisme managérial

Macron a tenu parole. Les proportions de la recette gouvernementale par lui définie ont été respectées, à peu de chose près : femmes-hommes, droite-gauche, élus-non élus… L’équipe séduira : tout nouveau, tout beau. Mais on voit aussi s’esquisser un système de gouvernement inédit dans la république, qui a son avers et son revers. C’est l’effet du recours massif – 50% – à la «société civile», ce mantra corollaire du discrédit qui frappe la classe politique. Ces ministres neufs sont sympathiques et excipent d’une compétence indiscutable. Ils ont aussi un point commun un peu gênant dans une démocratie : ils n’ont jamais approché le moindre électeur. Leur légitimité procède du seul président, qui les tient par définition dans sa main puisque aucun parti, aucun courant, aucune aura électorale ne les soutient. Politiquement, ce sont tous des hologrammes. Il en sera de même si d’aventure En Marche remporte une majorité à l’Assemblée. Désignés non par des militants ou des citoyens mais par une commission de ressources humaines arbitrée par le seul Macron, ces élus devront tout à leur manager-président. A l’Assemblée comme au gouvernement, on ne verra qu’une seule tête : celle de Macron. Rarement dans la Ve on n’aura alors érigé un système de pouvoir personnel aussi cohérent.
Les amateurs d’histoire ne manqueront pas de rapprocher cette nouveauté politique d’une ancienne expérience : celle du Consulat, quand un jeune général sans aucune expérience parlementaire se retrouva seul à la tête de la République. Une fois l’élection acquise à la hussarde, une sorte de 18 Brumaire démocratique, le Premier Consul d’En Marche, comme son lointain prédécesseur, compose une équipe disparate recrutée chez les blancs et chez les bleus, dans la Montagne comme dans la Plaine, techniquement compétente, qui procède de lui et de personne d’autre, pour mener au pas de charge les réformes de compromis qui lui paraissent indispensables. «Ni droite, ni gauche», dit Macron, comme Bonaparte disait «ni talon rouge, ni bonnet rouge» (ni aristocrate ni révolutionnaire). Le tout au service d’un centrisme autoritaire qui ramène l’ordre, éteint les foyers de discorde et pose la base d’un régime à la fois égalitaire et hiérarchique. Macron n’a pas pris le pont d’Arcole et il y a peu de chance qu’il organise dans quatre ans un plébiscite pour devenir Empereur. On ne sait encore si l’expérience connaîtra l’efficacité que les historiens reconnaissent, qu’ils soient pour au contre, à l’œuvre du Consulat. La comparaison a ses limites. Mais Bonaparte disait qu’il fallait imposer aux Français le gouvernement qu’ils souhaitent. C’est l’intention de Macron. S’il parvient à ses fins, appuyé sur ce régime de monarchie républicaine en place depuis 1958 dont il souhaite user à plein, on pourra lui donner cette définition d’une antique modernité : le bonapartisme managérial.

Et aussi

Baroin est en rogne, le PS grogne, Mélenchon et le FN cognent. On voit se dessiner le paysage d’une opposition éclatée. Franchement hostile du côté de l’extrême droite et dans la gauche radicale ; avec cinquante nuances de bleu ou de rose à droite et à gauche. Inquiétude pour ces deux partis : souvent les électeurs préfèrent la clarté. Ils pensent comme Musset, «il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée».
Le taux de chômage au sens de l’Insee (et des normes internationales) a baissé à 9,3%. Il est revenu au chiffre de 2012. La courbe du chômage a donc bien été inversée, conformément à la promesse de Hollande, qui n’est plus là pour en tirer un bénéfice politique. Macron a promis un taux de 7% en fin de mandat. Avec une croissance qui revient doucement, il doit gagner 2,3 points en cinq ans. Il peut y arriver, même en ne faisant rien…
Darmanin n’a pas été long à se macroniser. Il faut réduire les déficits et «en même temps» garantir la protection des plus faibles, a-t-il dit. Toujours le balancement circonspect.
L’investiture de Marie Sara, étoile de la corrida, par En Marche suscite l’ire des défenseurs des animaux. On les comprend : cette jeune femme est fort estimable mais elle est aussi l’égérie d’une forme esthétisante de la torture.
LAURENT JOFFRIN
Élections 2017
08.05.17Les membres de LR qui ont rejoint le gouvernement sont exclus du parti
11.05.17Les ministres devront «soutenir les candidats de la majorité présidentielle»
18.05.17«Sur les migrations, l'horloge de Collomb semble s'être arrêtée en 1974»
18.05.17Transparence et probité : les petits couacs du nouveau gouvernement
17.05.17Sylvie Goulard, une spécialiste de l'Europe prend la tête des armées
Suivez l'actu en continuLE DIRECT

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire