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mardi 25 avril 2017

Brumes d'entre-deux-tours

25 avril 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Brumes d'entre-deux-tours

Confusion de droite et de gauche. Gaulliste de toujours, Henri Guaino s’abstiendra au second tour. Entre les successeurs du pétainisme et ceux d’un centrisme républicain, il refuse de choisir ; entre l’extrême droite et les autres partis, De Gaulle, lui, n’hésitait pas. Après toute une vie à gauche, Jean-Luc Mélenchon tergiverse, prétextant d’une consultation en ligne pourrester silencieux. Un de ses adjoints explique que la France se retrouve«entre extrême droite et extrême marché». Ce qui revient à mettre sur le même plan xénophobie et europhilie, comme deux maux équivalents. Confusion redoublée. Macron est social-libéral et non ultra-libéral, ce qui est différent. A supposer qu’il applique intégralement son programme, la France gardera en tout état de cause l’essentiel de son système de protection sociale et conservera son record européen de prélèvements obligatoires. Le contraire de l’ultra-libéralisme. A user des mots n’importe comment, on s’enfonce dans le brouillard. A moins qu’il ne s’agisse d’un choix stratégique : en remplaçant la division droite-gauche par l’opposition peuple-élites, on prépare des rapprochements contre nature. Toujours malin, Jean-Marie Le Pen a jugé «très digne» l’attitude de Jean-Luc Mélenchon. Florian Philippot affirme avec gourmandise que «beaucoup d’électeurs» de La France insoumise peuvent voter FN. Rouge ou rouge-brun ? Il arrive un moment ou il faut choisir sa couleur. Plus lucide, le Parti communiste, qui n’est pas tendre avec Macron, a su hiérarchiser ses adversaires. Un peu de bon sens…
Encore faut-il que Macron soit à la hauteur. La moitié de ses voix, le sondage de Libération le montre bien, vient d’électeurs qui n’adhèrent que très peu à son projet. Et pour faire une majorité dans le pays, il doit rallier des millions d’autres voix fort peu macroniennes. Il n’a qu’une solution : mettre l’accent sur ce qui peut unir les républicains de tous les partis. Entendre la colère populaire, moraliser la vie politique, respecter les équilibres sociaux, réformer l’Europe : sans ces garanties données aux Français contraints de voter pour lui, il court les plus grands risques. Il veut être le président de la République. Pas celui des bobos et des start-upers.

Et aussi

• Réalité négligée : le vote Macron n’a rien de définitif. Le leader d’En marche aura du mal à faire élire une majorité de députés dévoués à son programme. Selon qu’il s’appuiera plutôt sur la droite ou sur la gauche, sa politique ne sera pas la même. Il y a donc un troisième tour à cette élection. Le film ne s’arrête pas le 7 mai.
•Le PS a lancé son opération survie. Dans les brumes solfériniennes, une ligne semble apparaître : non-ralliement à En marche, autonomie. Les socialistes espèrent sauver les meubles aux législatives et peser ensuite à l’Assemblée. En remettant le vrai débat à plus tard : participer ou non à une majorité macronienne. Ou bien se tourner vers la gauche, sachant que Mélenchon, tout à son entreprise de destruction de la social-démocratie, exclut tout accord.
• La position de LR est correcte : non à Le Pen, en tout état de cause, assurer sa défaite (donc en votant Macron et non en s’abstenant). C’est mieux que le défunt «ni-ni» de Sarkozy. Reste à convaincre les électeurs, qui rechignent toujours à voter pour «Emmanuel Hollande».
• Un tiers des ouvriers environ ont voté Le Pen. C’est beaucoup. Mais on oublie toujours de voir l’avers de cette triste médaille : les deux tiers des ouvriers ne sont pas lepénistes. Une partie d’entre eux a d’ailleurs rejoint La France insoumise. Mélenchon est plus efficace que le PS dans les milieux populaires. Ce n’était pas le cas en 2012.
LAURENT JOFFRIN
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