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lundi 20 février 2017

Les funérailles du socialisme ?

20 février 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Les funérailles du socialisme ?

La métaphore du «corbillard» utilisée par Jean-Luc Mélenchon pour parler du PS n’a pas arrangé les relations entre lui et Benoît Hamon, vieux militant socialiste. Au vrai, le cadavre dont il parle est plus celui de l’union des gauches que celui du PS, qui trouve avec la candidature Hamon un regain de jeunesse (fragile…). Mais la charge mélenchonienne n’est pas un jugement de réalité: certes il ne veut pas le suivre, mais ce corbillard est quand même devant lui (pour l’instant)… C’est en fait un souhait. Il s’agit pour lui de tuer le PS, ce qui veut bien dire qu’il est encore vivant. Cette volonté non pas homicide mais «particide» pose le problème de la stratégie de la gauche de la gauche : en voulant à toute force éliminer tout ce qui se trouve moins à gauche qu’elle, il y a peu de chances qu’elle puisse un jour gouverner.
La question se retrouve, sous des formes plus ou moins aiguës, dans plusieurs pays. La gauche de la gauche grecque gouverne : mais c’est en jetant par-dessus bord une grande partie de ses convictions. A cet égard, le virage réaliste et européen de Tsípras est bien plus spectaculaire que celui qu’on a reproché avec tant de véhémence à Hollande. La gauche radicale espagnole se déchire à belles dents autour du même dilemme : faut-il se rapprocher ou non de la gauche réformiste ? En attendant, c’est la droite dure qui gouverne à Madrid. En Allemagne, Die Linke est amoindrie par la percée de Martin Schulz, social-démocrate bon teint, qui paraît seul en mesure de menacer Angela Merkel. Seuls les Portugais ont trouvé une formule efficace en soutenant sans participer les socialistes au pouvoir. Il en est résulté des améliorations tangibles du sort des classes populaires.
Mélenchon récuse cette attitude et veut détruire les sociaux-démocrates au lieu de s’allier avec eux. Il veut conserver la pureté du programme très vintage qu’il présente aux électeurs. C’est une réplique moins étatique et plus verte du programme de la gauche française en 1981, avec la même interrogation : peut-on organiser une relance massive de la consommation dans un pays ouvert, dont l’économie souffre d’un manque de compétitivité, comme en témoigne son déficit extérieur ? Mélenchon veut qu’on applique tout son projet et refuse de l’amender au nom de ce qu’il tient pour un compromis honteux. Cette posture intraitable a sa noblesse, qui est celle de la conviction. Mais elle risque le sort de tous les projets purs et durs : quand on demande tout, souvent, on n’obtient rien.

C’était hier

La droite se requinque. Toute considération éthique ravalée, elle soutient son candidat en dépit de ses ennuis judiciaires (aux deux tiers selon un sondage). Elle en appelle au peuple contre la justice. Inquiétant. Certains commentateurs militants en viennent même à magnifier la résistance de Fillon au milieu de cette tourmente. Pour un peu, on le féliciterait d’avoir cyniquement abandonné sa prétention à l’exemplarité. On progresse…
Macron fait le dur apprentissage de la parole publique. Quand on agite des questions aussi sensibles que la mémoire coloniale, il faut bien choisir ses mots. Non que la dénomination de «crime contre l’humanité» soit choquante quand on évoque certains massacres coloniaux, comme les enfumades du duc d’Aumale ou les tueries de Sétif en 1945. Mais quand on l’applique à l’ensemble du processus colonial, on tombe dans la confusion. A ce compte-là, tous ceux qui ont participé au maintien de l’ordre colonial seraient complices de «crime contre l’humanité». Mendès en 1954 ? Mitterrand ? De Gaulle qui a intensifié la guerre en 1958 ? Tout se complique. Pour se faire pardonner des pieds-noirs, Macron a repris la célèbre apostrophe gaullienne prononcée sur le forum d’Alger : «Je vous ai compris.» Cela ne va pas forcément calmer les intéressés. Pour eux, c’est la formule qui les a trompés. Il est vrai que Macron a ajouté : «Et je vous aime.» Alors…
Marine Le Pen est au Liban où elle a rencontré le président Michel Aoun. C’est le premier chef d’Etat en exercice qui consent à une entrevue avec la cheffe du FN. Un point marqué, donc. Avec ce paradoxe à la clé : Aoun, président chrétien, bénéficie du soutien du Hezbollah libanais, qu’on qualifie parfois de «jihadiste chiite» et que plusieurs pays ont inscrit sur la liste des organisations terroristes. Une proximité que Marine Le Pen, qui se présente comme un rempart contre le terrorisme, a oublié de condamner.
LAURENT JOFFRIN
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