CHRONIQUE
PAR FRANÇOISE FRESSOZ
Le PS bousculé dans son hégémonie
Trois semaines de comédie faites de « je
t’aime, moi non plus » auront suffi à tuer l’hypothèse improbable d’une
alliance entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon en vue de la présidentielle
de 2017.
A vrai dire, personne n’était dupe tant le leader de La France
insoumise a pour projet, depuis qu’il a quitté le Parti socialiste (PS) en
2008, d’achever la vieille maison dont il n’a cessé de dénoncer la dérive «
démocrate » et de pronostiquer
la mort.
« Je n’ai pas l’intention de m’accrocher à
un corbillard », s’est-il exclamé, samedi 18 février, alors que le nouveau
leader socialiste refusait de lui livrer les têtes qu’il
avait demandées : celles de Manuel Valls
et de Myriam El Khomri entre autres.
L’ancien premier ministre avait raison :
il existe bien deux gauches irréconciliables en France, ne serait-ce qu’à cause
de l’irréductibilité de Jean-Luc Mélenchon.
Benoît Hamon peut bien vouloir repeindre
en rose vif la maison socialiste, jamais il n’arrivera à le faire plier. Seul
François Mitterrand avait ce pouvoir. Et encore un peu Lionel Jospin.
A présent que le décor est planté, le
drame peut se mettre en marche, qui trouvera son dénouement le soir du 23
avril. On saura alors qui des deux candidats est parvenu à affirmer son
leadership sur le peuple de gauche.
Le fait même que la question puisse se
poser souligne la singularité dans laquelle se retrouve le PS.
Depuis l’élection de François Mitterrand en 1981, ce parti avait réussi,
bon an mal à an, à affirmer sa domination sur son camp en dévitalisant
progressivement le
Parti communiste français (PCF) et en
concluant des accords électoraux avec ses autres alliés comme les écologistes
ou les radicaux de gauche.
Beaucoup de si
Aujourd’hui, son leadership n’est plus
acquis en raison de la double concurrence qu’il subit. Sur son flanc droit,
avec la candidature d’Emmanuel Macron. Et sur son
flanc gauche, avec la résistance de Jean-Luc
Mélenchon.
Dans le dernier sondage Ipsos Sopra-Steria
pour Le Monde publié le 16 février, Benoît Hamon dépasse de deux points et demi
son concurrent de la gauche radicale,
ce qui est à la fois beaucoup et peu :
beaucoup parce qu’en trois semaines le socialiste a effectué une percée inespérée,
peu parce qu’il reste deux mois de
campagne et que tout peut s’inverser.
Le risque est d’autant plus grand qu’aucun
des deux candidats, en l’état actuel, n’est qualifié pour le second tour, ce
qui souligne l’extrême faiblesse du PS, qui ne s’était pas retrouvé dans
pareille situation depuis 1969. Jean-Luc Mélenchon a pour
lui d’être parti en campagne depuis un an
et d’avoir mûri un projet dont il a exposé le chiffrage dimanche. Il bénéficie
en principe du soutien du PCF mais cet appui, acquis d’extrême justesse, reste
très fragile.
Benoît Hamon, de son côté, a entrepris, dès
qu’il a été investi candidat, un rapprochement avec l’écologiste Yannick Jadot
qui semble en bonne voie. Le socialiste le doit notamment à la conversion écologique
qu’il a exposée tout au
long de la campagne de la primaire, au
prix d’une rupture avec la tradition productiviste du PS. Il le doit aussi à sa
prise de distance avec le bilan de François Hollande.
Il a ainsi pointé, dans un entretien au
Journal du dimanche « le rendez- vous manqué entre François Hollande et les
banlieues ».
Sa qualité de frondeur est un sésame pour
négocier avec les partis de gauche qui ont progressivement rompu avec le
président sortant.
Elle ne lui garantit cependant pas la
dynamique suffisante pour figurer au second tour.
Sa seuIe chance, pour se qualifier, serait
qu’Emmanuel Macron s’effondre dans les sondages et que, simultanément, une
partie de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon
lui prête main-forte. Cela fait beaucoup
de si pour un candidat qui a cependant réussi, malgré les turbulences, à
préserver l’unité de la famille socialiste. Par les temps qui courent, c’est
déjà beaucoup.
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