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dimanche 31 juillet 2016

Les Crises.fr : Une mise au point sur la couverture de la campagne américaine, par Stephane Trano

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Août
2016

Une mise au point sur la couverture de la campagne américaine, par Stephane Trano

Source : Marianne, Stephane Trano, 29/07/2016
Une nouvelle période de 90 jours s’ouvre, avec la conclusion de la convention nationale démocrate et le début du grand affrontement entre Donald Trump et Hillary Clinton. Une occasion de prendre un peu de recul et de réaffirmer la vocation de ce blog. Edito.
Photo BBC
Photo BBC
Tant d’inepties écrites sur Donald Trump. Tant de couronnes tressées pour Hillary Clinton. Tant de plagiats grossièrement inspirés par les agences de presse, qui font de tant de journalistes des scribes sans pensée ni talent. Tant de discours lénifiants, d’éditoriaux voulant imposer au bon peuple une pensée “convenable”, s’en prenant à ceux qui ne pensent pas bien, ces gens mal éduqués, comme dit le gourou Alain Minc, chef de file d’une clique qui alimente le feu populaire, l’exaspération et qui sait, bientôt, la violence.
Alors où en est-on, ici, dans ces colonnes? Nos convictions sont claires. Nos doutes sont nombreux. Nos principes solides.
De droite? Tout simplement et sans détour: non.
Le premier réflexe de l’homme de droite est toujours de dire « Non ». Il est ainsi naturellement préparé à récolter les fruits de toutes les peurs et de toutes les crises. Il finit toujours par avoir raison : toutes les époques “permissives”, portées par un désir de progrès social, engendrent leurs contradictions et sont fondamentalement vulnérables, face à ceux qui fantasment sur un monde propre, ordonné, prompt à la punition et à l’éradication des individus défaillants. Il pense qu’il est possible de détruire ce contingent de perturbateurs et que l’avènement d’une société où la peur du patron, du policier, du juge et du professeur dissuadera toute velléité de désordre. Il estime que l’homme mauvais contamine les autres et que seule la faiblesse rend le monde invivable. Que l’égalité des droits ne doit pas s’appliquer à certains hommes dont les comportements, les motivations, les mœurs ou les origines sont incompatibles avec l’idée qu’il se fait d’un monde où le concept même de « tolérance » est le germe d’une peste en puissance. L’homme de droite est ainsi, toujours, au rendez-vous de la colère, de la rancœur, du désir de revanche et de vengeance.  Parce qu’il ne porte aucun projet humaniste et qu’il est, de ce fait, dispensé de puiser dans le registre des « bons sentiments », il n’a qu’à attendre son heure pour triompher. C’est vrai dans toutes les sociétés humaines, et c’est vrai, également, de part et d’autre de l’Atlantique, à la veille d’élections importantes pour les Etats-Unis et pour la France.

Un choc de culture

La convention nationale démocrate, comme la républicaine qui l’a précédé, s’achève sur un constat brutal. Deux visions du monde s’opposent de manière désormais irréconciliable. A Cleveland, les républicains ont dépeint un monde en ruines et par dizaines, des intervenants sont venus tenir des discours empreints de cynisme, de méchanceté et d’insultes, avec Dieu en toile de fond, un dieu dont le projet est clairement perçu comme celui d’une grande purification. A Philadelphie, ce fut une célébration euphorique d’un monde en marche et porté par des idéaux, la négation de toute erreur et de l’auto-contemplation par des hommes et des femmes qui s’estiment meilleurs que les autres. Bien sûr, c’est l’Amérique : un pays où l’explicite est roi, ou le sous-entendu est impoli, où Dieu est en toutes choses, où la réussite individuelle est l’Alpha et l’Omega. Les républicains disent que l’Amérique est déconsidérée sur le plan international. Les démocrates estiment que leur pays est un phare pour l’Humanité. Et quel pays, au fond, quelle société, ne pense pas être le meilleur au monde ?

Un choix crucial

Les Français auraient bien tort de jeter un regard lourdement critique sur les Américains, et vice-versa. Les deux sociétés font face au même dilemme. Que le rapport de forces soit évidemment inégal n’y fait rien : l’Amérique ne dicte pas aux Français ce qu’ils doivent ressentir ou penser. Chacun va faire son choix. Nous ne sommes pas, ici, pour réécrire et paraphraser sans les citer, comme nombre de nos confrères, les dépêches des agences de presse. Les fidèles de ces colonnes en connaissent les fondements : un refus catégorique de se plier aux travers du journalisme corporatiste, des éditorialistes civilisateurs qui tordent le bras du lecteur, persuadés de leur supériorité intellectuelle. Le spectacle offert par les républicains et les démocrates, aux Etats-Unis, à la veille du réel début d’une campagne de 90 jours qui va opposer Donald Trump et Hillary Clinton, n’est rien d’autre que la version décomplexée du débat français à venir. Nous n’aimons pas plus l’acidité extrême des gens de droite que l’infinie bonne conscience des gens de gauche. Nous n’avons ni héros, ni admiration aveugle pour l’Amérique, ni jugement péremptoire sur la France qui aime tant l’auto flagellation.
Simplement, il va falloir choisir. Faire le choix de la revanche ou celui de l’adaptation. Faire un choix, sans doute, fondé sur le moindre risque, à moins que l’on ne considère justifié d’ouvrir une période, sans doute pour une dizaine d’années, où la violence sera opposée à la violence, jusqu’à ce que l’ennemi s’épuise, à moins qu’il ne s’agisse de nous.
Que chacun choisisse en conscience et en assume les conséquences, quel que soit ce choix.
Nous continuerons, ici, à dénoncer la faillite de l’intelligence et le triomphe de l’émotionnel, la coalition des bien-pensants et celle des fous de dieu, comme les évangélistes, à soutenir le droit de penser en dehors des lignes tracées par tant d’intellectuels et de journalistes lovés dans leur aristocratie spirituelle, et à défendre la libre expression. Nous le ferons, bien sûr, sans aucune faiblesse vis-à-vis de ceux qui n’ont de boussole que la haine du Juif, de l’Arabe, de l’Amérique, d’Israël, de la “gauche” en tant que prétendu monopole de la “générosité” et, finalement, de l’Autre: jamais, quel qu’en soit le prix.
Mais sans jamais, non plus, se soumettre au dogme de la politesse et de l’humanisme mou et faussement généreux.
Source : Marianne, Stephane Trano, 29/07/2016

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