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lundi 29 juin 2015

Devant les distributeurs en Grèce, une journée de file d'attente (REPORTAGE)


         Le Huffington Post

Devant les distributeurs en Grèce, une journée de file d'attente (REPORTAGE)

Publication: 

PAGRATI

INTERNATIONAL - Banque nationale de Grèce, agence de la rue Formionos, autour de 13h30, dimanche. Environ 25 personnes font la queue en attendant leur tour devant le distributeur. Certains s'inquiètent de ne pouvoir retirer d'argent car il sera sans doute vide à leur arrivée. Des gens proposent des analyses financières. Chacun y va de sa petite critique socio-politique et de son petit commentaire, selon son expérience personnelle, sur les idéaux Européens et patriotiques.
Un monsieur à côté de moi semble plus serein que la moyenne dans la queue. Je lui demande un commentaire anonyme.
"Je devais venir de toute façon", dit-il. "Chaque semaine, le même jour, je viens retirer l'allocation de ma mère car elle est perdue avec les distributeurs.
"Vous ne retirez donc pas d'argent sans une certaine crainte?"
"Au contraire, je n'ai peur de rien. Et parmi toutes les versions du moment, je préfère cette du référendum et du 'non'."
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Queue devant le distributeur de l'agence de la rue Formionos, Banque nationale de Grèce.
Une dame commente la position du gouvernement Grec et de son leader, le Premier ministre Alexis Tsipras, qui organise un référendum dimanche prochain sur le plan de sauvetage financier proposé par les créanciers internationaux du pays. "Tsipras gagnera," dit-elle. "Aussi bien au référendum qu'aux élections, peu importe quand elles auront lieu."
Je lui demande si elle aussi elle retire de l'argent à cause du flou qui règne sur la suite des événements. Sa réponse est négative, avec un hochement de tête de désapprobation.
Je me demande si cette accumulation de clients est un hasard, bien qu'inhabituelle. D'un autre côté, pourquoi cela serait-il moralement répréhensible ou hypocrite qu'une personne soit anxieuse concernant ses économies et essaie de les protéger, peu importe ses opinions politiques?
A l'agence de la rue Eftichidou, où la plupart des gens ne sont pas trop d'humeur à parler avec un journaliste, un homme d'âge moyen accepte de discuter avec moi.
"Les Européens essaient de nous terroriser. Je vivais en Allemagne, ils sont en avance, c'est vrai, mais à présent ils essaient de nous dominer. Schäuble refuse un accord honnête et démocratique," dit-il, faisant référence au ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble. "Il met tan de zèle contre nous, je trouve, et son plan c'est de faire capoter le premier gouvernement de gauche, la gauche est leur ennemi," ajoute-t-il.
Une dame à ses côtés, qui écoutait la conversation, sa lâche soudainement : "Ils ne supportent pas Tsipras et Kamenos. Car ils ne font pas tout ce qu'on leur dicte."
L'homme continue : "Qu'ils nous foutent dehors. L'Europe du sud suivra, l'Italie, l'Espagne. Qu'on nous laisse former une union avec ces pays-là. La Grèce a beaucoup d'avantages : géopolitique, agriculture, tourisme, maritime. Concernant le retour à la drachme, les premières années seront difficiles. Après ça nous sortirons la tête de l'eau. Et les Européens voudront nous reprendre. Nous avions la drachme avant et tout allait bien."
J'entends deux filles qui chuchotent : "Il est très optimiste, celui-là."
De l'autre côté de la rue, à l'ombre, un groupe des motards de la police DIAS regarde la queue. "Nous avons l'ordre de surveiller les distributeurs et supermarchés," me disent-ils.
A l'agence Piraeus Bank, à Pangrati Square, il n'y a pas la queue ; de l'autre côté de la rue, des dizaines de personnes attendent devant le distributeur d'Eurobank. Un jeune homme, la trentaine, lance furieusement aux quelques clients de la Piraeus Bank : "Retirez tout et dimanche prochain votez non.'"
Personne ne répond. Il rit tout seul.
"J'aurais retiré de l'argent aujourd'hui de toute façon," me dit-il." Je vais en retirer plus pour être tranquille quelques jours. Je suis sûr que les distributeurs vont se vider très vite – c'est déjà le cas ici et là."
"Que pensez-vous du référendum ?" je lui demande.
"Je suis absolument contre cette idée. C'est un désaveu car ils n'ont pas la volonté politique de prendre les décisions nécessaires. Ils n'ont jamais eu cette volonté et cela a fait empirer notre situation."
Je lui demande s'il ne se contredit pas.
"Pour moi il n'y a pas de dilemme. Je suis salarié, pas privilégié du tout. Mais notre seule option c'est l'Europe. La motivation du gouvernement SYRIZA-ANEL est de relancer la drachme, et nous vivons en ce moment l'apogée de ce plan organisé qui prévoit seulement ce retour en arrière. Certains, comme les notables, rapatrieront leurs capitaux aux pays et nous achèteront."
Il a l'attention de voter, "peu importe l'accord," dit-il.
Deux jeunes femmes s'en vont. Elles n'ont pas retiré d'argent.
"J'ai voté pour Syriza, sans être pour eux auparavant, en espérant des jours meilleurs après les négociations et le rétablissement d'un salaire minimum," dit l'une d'elles. "Ils n'ont rien négocié ces derniers mois, c'est que je ressens. Ils auraient pu baisser ces retraites qui sont encore élevées et rester tenaces pour l'allocation de solidarité sociale au bénéfice des retraités. Mais je ne supporte pas lorsqu'ils font semblant de négocier dur. Et à présent, cinq mois plus tard, ils lancent la balle dans notre camp, pour que décidions du problème financier sans en connaître tous les aboutissants. De quel accord parle-t-on exactement ?"
"Avez-vous peur ?"
"Oui. J'ai peur de la faillite, de la dévaluation monétaire impitoyable et de l'isolement général du pays après sa sortie de l'Europe."
Elle est comptable, comme son amie qui ajoute : "En 1974, ma mère a vidé les supermarchés." C'était l'année où la Grèce est passée d'un gouvernement militaire à la démocratie. "Ils n'avaient besoin de rien. Il ne va rien se passer aujourd'hui non plus."
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