ÉCONOMIE - Le ministre de l'Économie Pierre Moscovici a annoncé dimanche que le gouvernement renonçait à son projet de taxation de l'excédent brut d'exploitation (taxe EBE) des entreprises, vivement contesté par le patronat. Le dispositif, qui devait rapporter 2,5 milliards d'euros à l'État, sera remplacé par "une surtaxe temporaire sur l'impôt sur les sociétés", dans l'attente de la tenue dans les mois à venir d'"assises de la fiscalité" des entreprises.
"Il n'y aura pas dans le projet de loi de finances 2014 cette taxe sur l'excédent brut d'exploitation", a déclaré Pierre Moscovici lors du Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI.
Le ministre a expliqué avoir pris cette décision, avec son homologue délégué au Budget Bernard Cazeneuve, après concertation avec l'Afep, lobby des grandes entreprises, le Medef, principale organisation patronale, et la CGPME.
"La politique, c'est aussi de la psychologie. Avec Bernard Cazeneuve, nous avons poussé la concertation jusqu'au bout et nous estimons qu'il n'est pas possible dans ce contexte, tout de suite, d'aller vers une taxation sur l'EBE ou l'ENE (ndlr - excédent net d'exploitation)", a-t-il résumé. L'abandon du dispositif se fera dans le cadre de la discussion parlementaire qui va s'ouvrir sur le projet de loi de finances. "Il y aura des amendements qui seront déposés à cet effet", a-t-il indiqué.
Pierre Moscovici s'est défendu d'avoir agi "sous la pression". "Nous avons estimé au final qu'il ne fallait pas créer un nouvel impôt sans avoir réfléchi à l'ensemble de la structure d'imposition des entreprises", a-t-il justifié.
"Cette démarche, ça doit aussi s'inscrire dans le temps. Il faut réfléchir à la structure de nos impôts sur les entreprises et faire en sorte qu'ils pèsent moins sur les facteurs de production", a-t-il estimé. "Nous voulons aussi continuer à réfléchir sur le coût du travail dans ce pays", a ajouté le ministre de l'Économie.
La réaction du Club des Entrepreneurs
"(...) Nous saluons la prise de conscience gouvernementale. La taxe EBE aurait non seulement été dangereuse pour l'investissement mais aussi pour l'industrie et la croissance à l’heure où plus que jamais tout doit être mis en œuvre pour que notre pays renoue avec le chemin éclairé de la croissance.
Le gouvernement renonce heureusement à ce qui n’aurait été qu’un nouveau mauvais coup porté à nos entreprises. Cette taxe n’était qu’une taxe punitive pour les entreprises qui investissent, dans l'innovation notamment ce qui est un comble à l’heure où notre pays manque cruellement d’innovation et où les investisseurs nous fuient.
La taxe EBE pour les nuls
Qu'aurait engendré la mise en place de cette taxe? En voici un résumé simplifié:
Une entreprise vend des produits. Cela constitue son chiffre d'affaires. Evidemment, elle doit payer ses matières premières, ses salariés, prévoir un budget pub etc. Et bien la différence entre les deux, c'est ça l'EBE. Quelle différence avec le bénéfice alors? En réalité, un tas d'autres dépenses ou recettes entrent en ligne de compte avant d'arriver au bénéfice net. Exemples:
• Des machines, dont le prix d'achat est étalé sur plusieurs années (on parle d'amortissement);
• Des investissements pour créer une filiale;
• Des dépenses exceptionnelles (c'est-à-dire qui ne se répètent pas d'une année sur l'autre, comme la perte d'un procès); 
• Des recettes exceptionnelles (vente d'un immeuble);
• Des provisions (mettre de côté de l'argent en prévision d'un coup dur: hausse des matières, procès en cours, risque d'une forte évolution de l'euro par rapport au dollar...);
• etc.
Bien entendu, les entreprises font tout pour gonfler les charges afin de réduire le chiffre entre cet EBE et le bénéfice net, histoire de minimiser les impôts à payer sur les bénéfices. Un impôt sur l'EBE aurait donc permis donc de sanctionner ces entreprises qui ne jouent pas le jeu.