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vendredi 11 octobre 2013

Les recommandations de la Cour des comptes pour lutter contre la fraude fiscale

Les recommandations de la Cour des comptes pour lutter contre la fraude fiscale

Le Monde.fr Par 
La Cour des comptes a publié, jeudi 10 octobre, un référé adressé au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sur l'organisation, les méthodes et les résultats du contrôle fiscal en France. Elle s'est notamment penchée sur les services de l'Etat et la lutte contre la fraude fiscale internationale, sous ses multiples formes. "Elle concerne des contribuables de nature très différente, note-t-elle, des personnes physiques dont les activités sont, pour l'essentiel, légales, de grands groupes qui utilisent abusivement des mécanismes d'optimisation fiscale ou encore des réseaux criminels qui ont notamment investi le champ de la fraude à la TVA."
Même si elle constate que, depuis juin 2012, des évolutions significatives en matière de lutte contre la fraude internationale ont été enregistrées, des améliorations lui semblent encore nécessaires. Elle les classe en quatre chapitres.
  • Lutte contre les paradis fiscaux
Depuis 2008, la France dispose d'un arsenal législatif contraignant à l'égard des Etats et territoires non coopératifs dont la liste est établie chaque année par le ministère de l'économie. Cette liste se fonde sur la signature d'accords d'assistance administrative et sur les évaluations de l'OCDE. La Cour souligne que la liste française "ne comprend pas les pays vers lesquels les fraudeurs fiscaux (personnes physiques et morales) se tournent prioritairement pour réaliser leurs opérations".
Elle estime que la liste française devrait être complétée en prenant en compte les critères du Groupe d'action financière et que devraient y figurer les pays faisant prévaloir leur secret bancaire sur l'échange automatique d'informations.
  • Coordination du renseignement
La direction générale des finances publiques (DGFIP) "reste démunie face à des faits souvent invisibles depuis le territoire national comme la détention frauduleuse d'avoirs dans les places offshore par des résidents français". La Cour déplore le cloisonnement des administrations et l'absence de partage des informations. "Quatre ans après les fraudes à la TVA carbone qui ont causé un préjudice de 1,6 milliard d'euros à la France, tous les enseignements en matière de réactivité et de coopération des services administratifs n'ont pas été tirés."
La Cour recommande que la DGFIP s'appuie sur les informations détenues par Tracfin, notamment en cas d'enquête sur des personnes soupçonnées de fraude fiscale internationale. De même, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) dispose d'informations financières qu'elle n'exploite pas et aucun texte ne permet qu'elle les transmette à l'administration fiscale.
Elle souligne enfin la "faible implication des professionnels, hors secteur bancaire" dans le dispositif antiblanchiment, les défaillances de leur contrôle et l'absence de respect de leurs obligations déclaratives. "Parmi les 4 192 professionnels recensés, seuls 18 ont fait l'objet de contrôles par l'Autorité des marchés financiers en 2012". En réalité, les avocats, qui ne procèdent en pratique à aucune déclaration de soupçon, demeurent "très réticents" – c'est un euphémisme – vis-à-vis du dispositif qui les concerne."Il conviendrait de rappeler plus fermement leurs obligations à ces professionnels", relève la Cour.
  • Coordination au sein du ministère des finances
La Cour souligne tout d'abord l'obsolescence des systèmes informatiques utilisés dans le cadre du contrôle fiscal. Elle relève également que la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) dispose seule du droit de réaliser des perquisitions fiscales. "Un tel monopole de moyen – quelle que soit la fraude poursuivie – ne se justifie pas, estime la Cour. Afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude, en particulier la fraude internationale qui est souvent très rapide et éphémère, il importe de raccourcir les délais d'intervention."
Elle suggère de redéployer une partie des compétences et des moyens de la DNEF vers les directions interrégionales de contrôle fiscal ainsi que la direction des vérifications nationales et internationales et la direction nationale de vérification des services fiscaux.
Elle estime aussi nécessaire le rapprochement des bases de données de la DGFIP et de la direction générale des douanes et des droits indirects. Il serait souhaitable, ajoute la Cour, de prévoir une structure permanente de coordination entre la douane et la DGFIP. "En cas de risque identifié de fraude éphémère (comme la fraude à la TVA), l'Etat doit pouvoir agir rapidement pour tenter d'interrompre celle-ci, par exemple en procédant en urgence à une perquisition fiscale ou douanière."
  • Impliquer le juge dans la lutte contre la fraude internationale
"La fraude fiscale est le seul délit que les parquets ne peuvent poursuivre de façon autonome, s'étonne la Cour. Cette situation est aujourd'hui préjudiciable à l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. Il apparaît désormais nécessaire d'ouvrir aux parquets le droit de poursuivre certaines fraudes complexes et de ne plus limiter leur action aux seuls faits de blanchiment de fraude fiscale." Le monopole dont dispose l'administration fiscale pour porter plainte conduit à un faible nombre de poursuites, à peine mille dépôts de plainte par an, les services fiscaux privilégiant l'application de sanctions financières. Ils réservent l'action pénale aux affaires dans lesquelles ils n'arrivent pas à recouvrer les droits.
En outre, la politique de répression pénale des services fiscaux est ciblée sur les fraudes faciles à sanctionner et non sur les plus répréhensibles. En 2008, près du tiers des plaintes visait des entrepreneurs du bâtiment. En revanche, les dépôts de plainte visant les grandes entreprises ou des particuliers "à fort enjeu" sont extrêmement rares, les services fiscaux préférant passer par des transactions pour éviter une confrontation avec des contribuables dotés de conseils juridiques puissants.
"Le contrôle fiscal qui s'appuie sur la bonne foi et la coopération du contribuable n'est pas adapté à certains acteurs et réseaux dont les moyens financiers sont devenus considérables", note la Cour, pour qui la faculté donnée aux parquets de poursuivre de manière autonome ces fraudes augmenterait le nombre de dossiers susceptibles d'être détectés et poursuivis par l'administration fiscal. Un procureur national financier pourrait être institué afin de centraliser les dossiers.
Reste à présent à savoir les suites qu'entend donner le gouvernement à ces recommandations de la Cour des comptes.

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