ÉTATS-UNIS - "Shutdown", "plafond de la dette", "faillite"... la première puissance économique du monde est au bord du précipice à cause de sa crise politique. Républicains et démocrates s'affrontent sur plusieurs sujets en même temps (liés entre eux pour certains, pas du tout pour d'autres), avec à chaque fois des dates butoirs et des conséquences différentes. Mais au fait, vous arrivez à y voir clair? On vous le concède, les institutions américaines ne sont pas les plus lisibles. Voici les clés pour comprendre.
Tout commence avec le "shutdown", dit aussi "fermeture du gouvernement", en cours depuis le 1er octobre. Il est le résultat d'une impasse au sujet du budget fédéral, que le parti républicain refuse de voter en l'état. Il souhaite des réductions des dépenses publiques, notamment celles concernant la réforme de la santé, véritable symbole de la présidence de Barack Obama. C'est un peu comme si l'Assemblée nationale refusait de voter le budget 2014 de la France à cause de l'augmentation des impôts.
Résultat, les administrations publiques ne tournent plus, avec 500.000 à 600.000 fonctionnaires au chômage technique. Rassurez-vous la police ou l'armée continuent de fonctionner. Par contre, la FEMA, l'Agence fédérale de gestion des secours d'urgence, a rappelé ses personnels lorsque le cyclone Karen s'est approché des côtes américaines. La Food and Drug Administration (FDA), chargée des médicaments, en a fait autant depuis qu'une épidémie de salmonellose a fait irruption dans 18 Etat.
Le shutdown empêche une petite partie des fonctionnaires de travailler
Pour les républicains c'est simple: s'il n'y a pas de concessions, il n'y aura pas de vote du budget... Et ils ont un sacré argument pour faire pression: s'ils n'obtiennent pas satisfaction sur la réductions des dépenses, les républicains ne voteront pas non plus le relèvement du plafond de la dette, qui tombe malheureusement au même moment. Un hasard du calendrier.
Régulièrement, les parlementaires américains doivent s'accorder pour relever ce plafond, qui correspond au niveau limite d'endettement de l'Etat. Fixé à 16.700 milliards de dollars, il sera dépassé le 17 octobre à minuit sans accord entre les deux grands partis politiques. Les Etats-Unis ne pourront alors plus assumer leurs obligations financières. Et on ne parle pas que du salaire de ses employés aux taches: ils ne pourront plus rembourser leur dette, ils ne pourront plus emprunter sur les marchés. Oui, c'est ce qu'on appelle une faillite, ou encore un "défaut" du pays.
Si l'on devait comparer le "shutdown" à l'impasse du plafond de la dette, on parlerait d'une bonne grippe et d'une rupture d'anévrisme.

Si le plafond n'est pas relevé, c'est la faillite
Une fois atteint, le pays ne pourra plus honorer ses créanciers en utilisant les marchés financiers. Pour faire simple, l'Etat sera obligé de lever en urgence la plupart des impôts, tout en réduisant drastiquement les dépenses publiques. S'il ne parvient toujours pas à récolter l'argent nécessaire, les impayés s'accumuleront et l'Etat fera faillite.
Le Trésor a prévenu qu'il ne pourrait plus emprunter à partir du 17 octobre et qu'il risquait rapidement de ne plus pouvoir assurer tous ses paiements. La date précise du défaut de payement est encore difficile à prédire mais elle pourrait se situer entre les 22 et 31 octobre, selon le Bureau du budget du Congrès. Le sort du dollar, monnaie de réserve mondiale, et celui des bons du Trésor, placements réputés les plus sûrs de la planète, pourraient être en jeu, déstabilisant l'économie mondiale.
Si la valeur financière la plus sûre du monde devient instable, les investisseurs peuvent effectivement se faire du souci.

Déjà 5 défauts pour l'Etat américain
Si les politiques jouent à se faire peur sur le sujet, il y a de fortes chances pour que l'un des camp craque avant l'ultime seconde. Régulièrement, démocrates et républicains se lancent dans un grand bluff, accusant tour à tour l'adversaire de mettre en balance le financement de l'Etat. En 2011, le plafond avait été relevé à la dernière seconde. La situation est donc récurrente dans la vie politique et économique américaine. La preuve: des défauts ont toutefois déjà été enregistrés, à cinq reprises, dont la dernière fois en 1979.
Au terme de négociations creuses, Washington avait retardé de plusieurs jours le remboursement de certains créanciers, avant un accord a posteriori. C'est une des solutions qui sera certainement retenue si l'Etat fait défaut le 17 octobre. Avec un risque évident: entacher la crédibilité américaine sur les marchés. La puissance des organismes financiers est beaucoup plus décisive qu'à la fin des années 1970.
Imaginons un instant que les Etats-Unis annoncent un retard sur leurs créances... Les agences de notation financière dégraderaient immédiatement la note souveraine de l'Etat. De AAA chez Moody's et Fitch (AA+ chez Standard & Poor's), meilleure note possible, elle passerait à des niveaux spéculatifs similaires à la Grèce. Les taux d'emprunt américains exploseraient instantanément. Les Etats-Unis se transformeraient alors en "mauvais payeurs": une situation inédite pour la première économie du monde.
Le shutdown, à côté, c'est de la petite bière...
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